7.4.2.6 Les processus inter/actionnels et leurs bornes

Comme le rappelle Jayez (2004), bon peut être employé lorsqu’une action se termine, et coïncide souvent avec une transition dans l’activité mais aussi quand un processus non contrôlé (un « événement ») se termine. Les acteurs ont « conscience » de l’existence du processus, ce qui leur permet d’évaluer le caractère terminal de la phase qu’ils constatent. Lorsqu’il est utilisé au temps t par un agent a nous dit encore Jayez, bon véhicule l’implicature conventionnelle suivante : un processus en cours est envisagé comme terminé à un temps t’jouxtant t, l’agent croit pendant un intervalle [t’’, t’] que le processus existe. Ce qui peut être représenté comme il suit :

Cette opération de délimitation, de ponctuation des activités a été montrée dans nos analyses, qui soulignent que les processus sont complets ou incomplets selon la manière dont les catégorisent pratiquement les participants engagés dans l’action. Ce qui explique au moins en partie la grande labilité de l’interprétation de bon et qui exige, pour une caractérisation des valeurs associées aux différents emplois discursifs de cette particule parmi d’autres, de baser les recherches sur des données contextuelles et avérées (Saint-Pierre et Vadnais, 1992 ; Bruxelles & Traverso, 2001). Dans cette optique, la clôture d’un processus n’est pas une propriété intrinsèque de celui-ci mais une possibilité, une potentialité, le processus pouvant être rouvert, ré-initié, etc. par un autre participant, comme nous avons eu l’occasion de le voir. Cette question nous rappelle le fait que bon peut être tantôt transitionnel, tantôt clôturant ou interruptif, et que cette distinction ne peut être faite que sur la base d’analyses empiriques509.

Notes
509.

Des aspects syntaxiques, prosodiques ou liés à la temporalité de la séquence/activité peuvent orienter vers telle ou telle interprétation. Plus généralement, rappelons que depuis une vingtaine d’années ce type de questionnement se développe en pragmatique mais aussi en intelligence artificielle. De nombreux outils de représentation et de nombreuses théories entrent ainsi en jeu, qui présentent différentes notions de complétude. De ce point de vue, la plupart des modèles (souvent multimodaux, multiagents et multiroutines) qui s’intéressent aux processus discursifs naturels ou artificiels exploitent (au moins) deux thèmes : les relations entre constituants du discours (structure discursive), relations pratiques (structure actionnelle : buts, actions, routines, mouvements, etc.).