8.1.1.4 Face à la résistance de l’enfant, le front unique parental…et une nouvelle suspension de la séquence directive

Du point de vue moral, le format de l’intervention de Justine est nettement plus contraignant que le premier, en particulier au regard des attentes qui pèsent sur l’enfant. Les deux recherches explicites d’alignement (les tag questions « d’accord/ » et « oké/ ») cherchent à ce que Arthur s’aligne sur la nouvelle dynamique d’action, mais aussi, au plan conversationnel, à répondre à l’invitation-injonction de Justine, et à le faire positivement. Aussi, la résistance d’Arthur à s’aligner face à cette nouvelle intervention de Justine, est rendue problématique après une pause de deux secondes par l’intervention du père qui sanctionne le refus de l’enfant (ls. 36-37). Cette admonestation paternelle vient appuyer rétrospectivement les tentatives de Justine et renforce prospectivement l’engagement et l’orientation vers le déjeuner comme activité suivante pertinente et moralement adéquate.

Nous avons observé ce type de collaboration entre membres du couple parental aussi bien chez les PR que chez les RAF. Avec des interventions différentes d’un point de vue énonciatif et pragmatique, l’un ou l’autre des parents vient supporter les efforts du conjoint dans l’évaluation temporelle du cours d’action de l’enfant et dans le besoin, plus ou moins explicite, de le réorienter. La scène que nous venons de décrire chez les PR est représentative de ce que soulignent Galeano et Fasulo (2009 : 276) à propos de la participation paternelle dans les séquences directives adressées aux enfants : dans ce foyer, la participation d’Eric consiste surtout en des commentaires ou des interventions collatérales, pas toujours qualifiables en tant qu’énoncés directifs à proprement parler. Chez les RAF, en revanche, et de manière somme toute cohérente avec la « répartition » des rôles observée dans l’un et l’autre foyer, c’est Albert qui suit, surveille, évalue et réoriente l’activité des enfants, notamment vis-à-vis de Maguelone, la cadette alors que produit des commentaires ou des interventions collatérales d’appui516.

Notes
516.

Notons simplement que, à la différence des interventions d’appui d’Eric PR, Christine RAF gronde rarement vivement ses enfants, déployant des séquences réorientative fortement mitigées, plutôt de type rappel, incitation, explication, voire « prière ».