8.1.4. Contrôler l’action dans le temps : langage, corporéité, matérialité

Plusieurs raisonnements de sens commun sont mobilisés tout au long de l’échange, puisant le sens de leur placement séquentiel. Parmi ces raisonnements soulignons les suivants : on ne peut faire une même chose pendant toute la journée; on ne peut faire une même activité pendant toute la journée, car ladite activité s’arrête d’elle-même pour des raisons extrinsèques (les émissions de télé prennent fin). Ensuite, il apparaît que l’on ne peut faire une même chose pendant toute la journée car après la télévision il y le déjeuner et ensuite la crèche, argument qui vient contrer la persistance physique de l’émission du flux télévisuel, malgré la fin de l’émission « dessin animé ». En outre la journée est présentée comme un laps de temps au cours duquel plusieurs choses sont et doivent être réalisées, l’une après l’autre, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer.

In fine, en ce qui concerne plus largement le passage routinier entre la phase « télé » et la phase « musique », notons que si des interactions non-focalisées avaient préalablement échoué, l’interaction focalisée534, les repositionnements corps-à-corps et face-à-face, les prises et transports de l’enfant, qui garantissent regards et attention coordonnés, sont davantage efficaces. Comme le montrent d’autres auteurs (Goodwin, 2006, notamment), la mise en place d’une F-formation, le guidage incarné, bref le contrôle rapproché du corps et des mouvements de l’interlocuteur sont fondamentaux. A travers un monitoring multimodal et pas-à-pas de leur mouvements suivants (au sens de next moves), les trajectoires directives et organisatrices sont configurent les comportements comme plus ou moins acceptables, et dont on est tenu de rendre plus ou moins compte.

Notes
534.

L’interaction focalisée (focused interaction) désigne un processus de coordination des regards et de l’attention lorsque deux individus s’accordent pour « soutenir pendant un moment un foyer commun d’attention visuelle et cognitive » (Goffman, 1961 : 7).