8.1.4.2 Aspects lexicaux des procédés organisationnels

Les activités ne sont pas des allant-de-soi dont il s’agit, pour l’analyste, d’en identifier l’allocation temporelle, mais des faits à découvrir dans leur processualité. Pour le linguiste des interactions, cela correspond à décrire la production langagière indigène configurée par ces activités, les configurant à son tour. Les procédés verbaux récurrents qui contribuent au maintien du quotidien comme routine partagée pour les membres des foyers, permettent de résoudre de manière à la fois locale et systématique certaines situations en tant que situations routinières. Autrement dit, les procédés verbaux qui apparaissent régulièrement à des moments particuliers de la journée, font des situations dans lesquelles ils émergent des moments charnière reconnaissables du point de vue de l’organisation.

Sur le plan lexical, par exemple, le terme déjeuner est utilisé afin d’identifier des actions mais présente aussi un caractère performatif : le déjeuner (ou l’action de déjeuner, car ici Justine s’y réfère sous une forme verbale) projette dans le futur immédiat une activité connue mais distincte de celle qui est en cours au moment de l’énonciation, tout en structurant le passage entre les deux. Cet aspect local et situé est essentiel. Aussi, le terme « journée », ou plutôt la formulation temporelle hyperbolique « toute la journée » permet à Justine de produire une continuité dans les activités familiales : le premier appel à déjeuner, dans la séquence « test », et la deuxième annonce, sont reliés discursivement par l’unité temporelle journée. Si Arthur regardait la télévision toute la matinée, cela mettrait indéniablement en danger l’organisation de la journée dans son ensemble (comme si la matinée débordait au risque de devenir journée entière). La journée est ainsi publiquement configurée par la mère comme un laps de temps correspondant à la réalisation de plusieurs activités, les unes après les autres, à l’intérieur puis à l’extérieur du foyer. Ainsi, la manière dont on s’oriente vers et dont on agit sur le déroulement de cette matinée particulière rend compte de la manière dont les adultes s’orientent plus généralement vers l’expérience d’une journée « normale ».