9.2.2. Activités dyadiques vs. activités collectives. Se préserver d’une sollicitation en invoquant un bien commun

Dans notre travail, nous avons plusieurs fois souligné le fait que la soirée – particulièrement dense en sollicitations de la part des enfants vers les adultes - implique de nombreux ajustements et régulations de besoins, attentes et responsabilités. Ainsi, la section précédente a illustré le fait que cette mère n’est pas dans des dispositions figées de sollicitude car il s’agit d’être attentif aux sollicitations des enfants sans que cela signifie pour autant d’y répondre toujours favorablement. Le soir, pour les adultes engagés dans des activités individuelles, il importe de pouvoir préserver des créneaux temporels et des espaces d’activité pour le collectif, comme nous l’avons vu dans les pages précédentes. Or, on a vu également que Justine se rend indisponible graduellement auprès de Chloé, après une série d’échanges distants (salon-cuisine), d’atermoiements, etc. autour de l’histoire et de la requête de plus en plus pressante de la part de la fillette. Lorsqu’elle dit qu’elle est indisponible (« je suis occupée » [pause] « à faire autre chose ») le tour fournit un account et non un simple refus à la demande de Chloé.

Il existe diverses façons de préserver son activité des sollicitations potentielles ou avérées, différents degrés d’explicitation et de mitigation du refus ainsi que différents types d’accounts argumentatifs (plus ou moins détaillés, plus ou moins descriptifs, plus ou moins marqués moralement, etc.). Cette variabilité est ancrée contextuellement : se prémunir contre les sollicitations des enfants est donc loin de reposer sur une logique binaire « sollicitude/indisponibilité », où l’un et l’autre terme de la paire oppositive seraient absolus et mutuellement exclusifs.