Au sein du collectif habitant, un collectif organisateur

Une autre conclusion importante est que dans les foyers il existe un collectif habitant qui inclut l’ensemble des membres des familles, et un collectif organisateur, plus réduit, constitué par les adultes et par les enfants ainés. Ce dernier collectif est celui qui délègue (au sens latourien du terme) le plus, qui enrôle le plus d’acteurs humains et non-humains, afin de garantir le déroulement coordonné des activités individuelles et collectives de la famille. Le collectif organisateur manifeste une mètis en termes de maitrise spatio-temporelle qui lui est propre : ses membres sont vigilants, (ré)actifs, créatifs. Les principales caractéristiques de l’habilité organisatrice sont la concentration vis-à-vis du présent, la rapidité d’intervention sur l’environnement social et matériel, le rapprochement entre passé, présent et futur, qui résulte en la capacité à pré-voir, et qui « incline » constamment le présent vers l’avenir. Des tours de parole, des tours de main techniques, des usages catachrétiques mais aussi des coups d’œil, des oreilles et des mains tendues sont autant d’ingrédients qui participent à l’accomplissement des activités quotidiennes.

Les relations dialectiques entre les deux collectifs sont en partie mises en lumière par le processus continuel de « refroidissement » d’évènements « chauds », situés, en des temporalités et des activités typifiées et stabilisées (ou à stabiliser). Afin de résoudre des situations actionnelles problématiques du point de vue de la coordination, les parents rappellent aux enfants des normes, des façons de faire habituelles, bref des schémas que l’on peut convoquer pour réorienter un contexte et des activités. Des attentes temporelles et inter/actionnelles sont ainsi constamment configurées et actualisées en situation. La régularité et l’anticipation transformatrice, la routine et la transformation subtile des contextes sont consubstantielles.