Annexe 4 - Les études de type Budget-Temps

Vue la place encore prédominante des études de type Time-Budgets, et malgré le regard plutôt critique que nous portons sur celles-ci, cette annexe leur est dédiée

Les études de type Budget-Temps sont réalisées à partir d’outils de décompte, de suivi ou de mesure (horloges, calendriers et plannings, par exemple), et, en moindre mesure, d’entretiens ou de récits, qui, bien qu’ayant un intérêt certain au regard des besoins de quantification -et étant donc capables de mettre en exergue un certain nombre de problématiques- font subir des réductions trop importantes aux expériences sociales et socio-techniques d’organisation temporelle (Cf. par exemple le n° 39 de la revue Temporalistes dédié à ce sujet).

Comme vu au chapitre 2, avec la société industrielle est né le problème de l’aménagement du temps dans les sociétés. Les études basées sur la méthode des Time-Budgets (TB)704 tirent leur force de la notion de temps comme valeur d’échange et comme variable fixe de l’expérience. Avec leur ambition d’établir statistiquement des régularités dans le changement, la durée et la périodicité des phénomènes sociaux, la méthode des Time-Budgets (TB) s’est sont rapidement imposée dans les études sur la temporalité sociale, devenues, pour beaucoup, des études sur l’« utilisation sociale du temps ». Les TB réalisent des relevés de la succession et de la durée des activités d’un individu sur une période qui recouvre généralement la journée de 24hs (et parfois la semaine), et ont pour but de mesurer et de décrire quantitativement l’« utilisation du temps » par les individus et les groupes sociaux. A travers les TB, des études sur le chômage, les cycles de vie ou les modes de vie ont été menées, ainsi que des recherches diachroniques et longitudinales. De nombreuses comparaisons internationales sur ce thème existent également. En France, l’INSEE se sert régulièrement de cette méthode pour ses enquêtes Emploi du temps (Dumontier et al., 2002), tout comme les instituts de sondage privés (Cf. l’enquête Ifop de septembre 2008 sur les « temps professionnels et familiaux », par exemple).

A travers ce type d’approche semble se perpétuer la réduction épistémologique de la temporalité et du temps, en lui attribuant la propriété de contenir des activités que l’on peut simplement localiser. Les TB constituent aujourd’hui encore un puissant moyen de systématisation et de quantification devenu paradigmatique de (et renforçant réflexivement) l’idée dominante du temps. Les questionnaires restent la méthode généralement utilisée pour obtenir les informations source, ensemble avec les journaux de bord et les enquêtes plus classiques basées sur entretiens.

Notes
704.

L’histoire du Time-budget remonte au 19ème siècle, avec The situation of the working class in England, de F. Engels (1845) ou encore avec F. Le Play en 1850 (lui aussi intéressé à la vie ouvrière). Or, c’est après la Seconde Guerre Mondiale –avec le développement de l’industrialisation et de l’urbanisation, mais aussi l’augmentation de ce que l’on appelle « temps libre », l’évolution du statut des femmes et la nécessité de planification des états et des marchés- que la réflexion sur l’usage du temps se systématise et que les BT connaissent une grande extension et acceptation. Plus récemment, l’UNESCO et le conseil international de sciences sociales, sous la direction du sociologue A. Szalai, a réuni les échantillons de populations urbaines de 12 pays. Depuis, G. Pronovost (1996, p. 81) a répertorié une soixantaine d’enquêtes BT en Europe, Océanie, Amérique du Nord, et Asie. Bien évidemment, les corpus offerts par les BT permettent toute sorte d’étude et d’orientation académique et idéologique (gender studies, etc. ; cf. Shelton, 1992, par ex.). Les études sur l’amélioration des conditions de vie et de travail se servent beaucoup des TB ainsi que les enquêtes, plus généralistes, de type ‘emploi du temps’ de l’INSEE, réalisées en 1985-86 et 1998-99. Enfin, rappelons que, comme avant Sorokin, I. Glorieux dans son travail avec M. Elchardus propose d’ajouter une dimension qualitative aux BT, c’est à dire une attribution de significations aux temps étudiés.