Contextes chronologique et géographique

Les limites chronologiques choisies pour cette étude s’étendent sur le Bronze Ancien, c'est-à-dire l’ensemble du IIIème millénaire (3000-2000 av. J.-C.). Cette période est particulièrement intéressante car elle s’inscrit dans une phase de changements structurels considérables, préparés au cours du IVème millénaire. La période urukéenne marque, en effet, une évolution dans le paysage mésopotamien et oriental avec la formation des Cités-États, et l’apparition de pouvoirs centralisés qui étendent leurs influences au-delà des frontières du Sud, en implantant des colonies et des comptoirs dans le Nord Mésopotamien. Le retrait des urukéens à la fin du IVème millénaire entraîne un déclin de certaines implantations, mais pas nécessairement une disparition totale des habitats20. Certains villages comme ceux de Jerablus-Tahtani, ou de Tell Hadidi, par exemple, n’ont pas périclité21. Après une phase transitoire au début du IIIème millénaire, ils se sont développés et témoignent au contraire d’un nouveau dynamisme régional dû à un recentrage des zones d’influence. L’impulsion régionale est donnée par des grands centres tels que Mari et Ebla. Ebla est une implantation ancienne qui s’est développée en un centre régional à part entière.

Le développement du Sud mésopotamien avec les Cités-États a été imposé comme le modèle traditionnel de l’évolution urbaine et politique. La Syrie avec Ebla, témoigne d’une culture originale et d’un développement politique et économique indépendant tout en préservant des liens étroits avec certaines cités du Sud : Kish est un partenaire politique et économique qui apparaît couramment dans les textes des Archives d’Ebla. Il s’avèrerait en outre que le Nord-Est de la Syrie et la Mésopotamie du Nord auraient connu un développement urbain ancien. Cette période s’inscrit donc dans un processus de développement des Cité-États dans l’ensemble syro-mésopotamien qui se traduit dans des relations inter et supra-régionales et une volonté de rayonnement

Le Sud, par nécessité économique et politique, maintient son influence dans le Nord et développe intensément le commerce avec ses voisins Iran, Indus, Golfe Persique. Le contexte proche-oriental du IIIème millénaire est donc particulièrement dynamique, avec une demande croissante en biens de première nécessité (métal, nourriture) pour palier les manques écologiques et contenter une demande en biens de prestige destinés à l’ostentation des élites. En outre, dans la sphère proche-orientale et asiatique, se développent parallèlement des civilisations autochtones : l’Indus, l’Afghanistan, le Golfe Persique, la Transcaucasie. Les civilisations d’Asie Centrale forment, en marge de la Mésopotamie et de l’Iran, un bassin culturel particulièrement intéressant et riche dans sa diversité mais également dans son unité22 ; des centres urbains se sont construits et ont connu une phase d’apogée entre 2500 et 1800 av. J.-C.. La culture matérielle témoigne d’une grande technicité des artisans (perles, métal) qui ont su enrichir leur art des influences arrivées de l’Ouest par l’Iran et la Mésopotamie. Dans la vallée de l’Indus, entre 3000-2500 av. J.-C. environ, durant la période dite « Harappa ancien », des cultures locales se développent grâce au commerce et aux liens inter régionaux. Au cours de la période d’Harappa (2500-1800 av. J.-C.)23, des centres urbains font également leur apparition, avec Mohenjo-Daro dont la superficie et le système d’organisation sociale n’ont rien à envier à la Mésopotamie. Dans le Golfe Persique, des cultures locales ont émergé qui ont su exporter leur savoir faire, comme par exemple la vaisselle en pierre.

Ainsi, l’une de nos préoccupations a été de replacer la Mésopotamie et la Syrie dans le contexte oriental et asiatique du IIIème millénaire. C’est une phase de commerce intensif, de circulations de personnes et d’idées, ainsi que de contacts culturels particulièrement riches. Ces données sont tout d’abord nécessaires pour étudier le matériel provenant des tombes, et également pour tenter de cerner le phénomène de prestige dans le contexte oriental avec la reconnaissance des symboles et leur transmission entre les élites de ces régions.

Le contexte géographique de la Syrie et de la Mésopotamie a été désigné par le terme unique, de Mésopotamie le pays entre les deux fleuves, l’Euphrate et le Tigre. La Syrie est souvent distinguée actuellement par ses frontières modernes et aussi par sa culture originale qui s’est développée parallèlement à celle de la Mésopotamie, même si elles se sont nourries l’une de l’autre.

L’Euphrate est le fil conducteur entre ces deux entités qui ont révélé des spécificités locales et une interdépendance culturelle et politique. Le choix de distinguer les deux entités se justifie dans l’objectif de comparer les pratiques funéraires royales pour élargir le débat sur les évolutions politiques, le développement idéologique concernant le pouvoir, les liens économiques privilégiés par l’une et l’autre.

Notes
20.

Algaze 1999.

21.

Orthmann 1971.

22.

Francfort 2003 : 29.

23.

Kenoyer 1998.