B. Ebla

Le site d’Ebla /Tell Mardikh se situe à cinquante-cinq kilomètres au Sud d’Alep, au centre d’une plaine bordée au Nord par les collines prolongeant les Monts de l’Ante-Liban et par une région de steppes. L’intérêt suscité par Ebla réside dans le fait que c’est l’un des rares centres urbains du IIIème millénaire en Syrie du Nord à apparaître dans les sources écrites akkadiennes, aux côtés de Mari et de Tuttul. En effet, Sargon et Naram Sin se réfèrent à ces cités pour célébrer leur victoire.

L’identification de la cité d’Ebla est débattue dès le XIXème siècle, avec la publication d’une statue de Gudéa par Ernest de Sarzec, retrouvée à Tello, sur laquelle ce nom apparaît44. Différentes hypothèses ont été avancées quant à sa localisation ; Albright lors d’un voyage en 1926, de Jérusalem à Bagdad, passa à côté du site antique durant une halte à Tell Afis. Cependant, il identifia Ebla avec le site de Tell Bi’a-Tuttul, situé près de Raqqa, autre cité majeure du IIIème millénaire dans la région du Moyen Euphrate45. La découverte fortuite, dans les années cinquante, d’une vasque sculptée conduit à une exploration du site de provenance par une mission italienne en 1962 ; celle-ci se trouve confortée de l’importance du site aux IIIème- IIème millénaires. Les fouilles débutent en 1964 ; en 1968 un torse sculpté permet de prouver l’identification de Tell Mardikh avec la cité d’Ebla.

Durant la campagne de 1975, des archives composées de dix-sept mille tablettes sont remises au jour dans le palais G ; elles sont datées du Bronze Ancien, avant la destruction par Sargon46. Cette découverte, impressionnante par la quantité, est également majeure dans la reconstitution de la vie de la cité et de l’historique de la région. Les explorations se poursuivent sur les secteurs du palais ancien et récent ainsi que sur les zones cultuelles environnantes. En 1978-79, dans la région Ouest de la Ville Basse, trois hypogées du Bronze Moyen II sont découverts sous le palais. Les hypogées ont convaincu de la présence, sous le palais, d’une nécropole royale qui s’étendrait sous la limite Ouest du palais du Bronze Moyen II47. À proximité du palais, étaient bâtis le temple dédié au dieu Rasap et un sanctuaire dédié aux ancêtres. Une relation étroite est établit entre tombes et culte royal qui se confirmera dans les textes des Archives. Les tombes dites «de la princesse», «du seigneur aux capridés», «des citernes», sont richement pourvues en matériel prestigieux et en céramique. Une tombe, « seigneur aux capridés », est identifiée comme celle d’un souverain d’Ebla. Les tombes sont creusées, en partie, dans la roche sous les salles du palais ; l’accès débouche dans une petite salle latérale d’une cour de la résidence. Le parallèle avec les tombes royales d’Ougarit place la pratique d’un culte des rois défunts dans l’enceinte du palais et en relation avec les temples à proximité48. Le culte royal s’organisait entre le palais et les temples à l’entour dédiés aux rois défunts et aux divinités liées au culte des morts.

Entre 1993 et 1995, sous le palais G, une structure enterrée est mise au jour, identifiée en tant que l’hypogée G449. Il se situe dans le secteur Ouest, sous le sol le plus ancien. Contrairement aux tombes postérieures, cet hypogée est vide, il a été pillé et détruit au moment de la destruction d’Ebla par Sargon. Cette découverte confirme la pratique ancienne d’inhumation dans l’enceinte palatiale, mais elle ne peut, malheureusement, en l’absence de matériel, témoigner qu’il s’agit de la sépulture d’un souverain en l’absence de matériel.

Les hypogées ont fait l’objet de nombreux articles en raison, notamment, de leur mobilier exceptionnel. Celui-ci provient d’ateliers locaux prestigieux et également d’Egypte, avec laquelle Ebla entretient des relations économiques et diplomatiques, des objets sont inscrits au nom de pharaons dont les dates de règne sont connues50. En outre, la forme des hypogées est attestée sur d'autres sites royaux du IIème millénaire, à Qatna par exemple où a été mise au jour une tombe royale, ces dernières années51. Il s’agit donc d’une pratique d’inhumations royales connue, en relation avec un culte royal spécifique.

Contrairement aux hypogées du Bronze Moyen, l’hypogée G4 fait l’objet d’un article complet. Son état de conservation ne laisse pas d’informations importantes52 mais il est le seul témoignage contemporain des Archives, étayant archéologiquement des pratiques funéraires royales anciennes53. Un article a été publié sur les autres tombes d’Ebla54, mais l’ensemble des pratiques funéraires sur le site est centré sur la nécropole du IIème millénaire.

La problématique des tombes royales est au cœur des découvertes de Matthiae, à Ebla pour les IIIème et IIème millénaires, et met en évidence l’impact de la royauté sur l’organisation interne de la ville. La relation entre les lieux de culte et le palais semble établie. L’hypogée G4 d’Ebla est la plus ancienne tombe royale identifiée. Les découvertes récentes du tombeau du palais de Qatna, avec les tombes d’Ougarit établissent une tradition royale spécifique et profondément associée au pouvoir. Le site d’Umm el-Marra peut être mis en relation avec des pratiques du Haut Euphrate anatolien, Arslantepe, Gri Veriké qui révèlent des ensembles funéraires monumentaux et organisés pour la pratique du culte des morts (Gri Vériké).

Notes
44.

Matthiae 1996b : 31-41.

45.

Matthiae 1996b : 38-39.

46.

Matthiae 1982a.

47.

Matthiae 1979b, 1980a, b. Cf. figure 1, volume 3.

48.

Salles 1995.

49.

Matthiae 1995a, 1997a.

50.

Matthiae 1979b, 1980, 1995.

51.

Morandi Bonacossi et alii 2006 ; Al Maqdissi et alii 2002. Cf. figure 2, volume 3.

52.

Matthiae 1995a, 1996, 1997.

53.

Archi 2001.

54.

Baffi Guardata 1988.