Chapitre 2 – Historique de la recherche sur les tombes royales et de prestige

Ce chapitre sur l’historique de la recherche présente l’évolution de l’intérêt accordé aux pratiques funéraires, et à celles, spécifiquement de prestige, dans la compréhension de l’évolution sociale en Mésopotamie. Les pratiques funéraires ont deux intérêts : tout d’abord, du point de vue de la paléoanthropologie, discipline longtemps délaissée par l’archéologie, qui s’est développée récemment à l’aide de techniques d’analyses physico-chimiques par lesquelles on peut récolter des informations multiples sur les populations (modes de déposition funéraire, diètes alimentaires, maladies, démographie…) ; du point de vue archéologique, l’étude des pratiques funéraires est en premier lieu formelle (type de contenant, corps) puis matérielle car la tombe permet de préserver une plus grande quantité de témoins culturels pour la reconstitution historique. L’approche sociétale est fondamentale car elle permet de saisir la complexité sociale et politique établie dans une société et qui se manifeste dans les pratiques funéraires.

L’étude des pratiques funéraires de prestige a été longtemps secondaire, à cause de leur rareté et de leur caractère souvent considéré comme extra-ordinaire. L’un des premiers constats, sur lequel on insistera est que l’étude de la complexité sociétale par le biais des pratiques funéraires n’est véritablement devenue une problématique centrale en archéologie que dans la deuxième moitié du XXème siècle. Une masse de données funéraires a été mal exploitée, car elles n’entraient pas dans les priorités des archéologues orientées vers de la reconstitution historique. Les pratiques funéraires de prestige ne sont pas traitées différemment : elles exprimeraient seulement l’importance des croyances et des pratiques liées aux personnages royaux ou de prêtres et reflétant leur fonction.

L’utilisation des pratiques funéraires dans l’analyse des complexités sociales est mise en avant avec les écoles anglo-saxonnes qui s’inspirent des méthodes et des théories de l’anthropologie et de la sociologie française. Il s’ensuit une opposition d’écoles, sans doute anecdotique, mais qui révèle le foisonnement des orientations avec, entre autre, l’utilisation de nouvelles techniques analytiques179. Ces dernières ont montré leur inadaptation à traiter un domaine à très grande variabilité tel que le funéraire180 : la modélisation sociale occulte les variables des pratiques ou des rites qui entrent dans la pratique funéraire. D’un point de vue méthodologique, les comparaisons anthropologiques sont mises en avant pour comprendre des phénomènes archéologiques dont les pratiques ne nous sont pas parvenues et des gestes qui ne nous sont pas intelligibles de façon immédiate. L’intérêt majeur a été d’ouvrir des perspectives de réflexions concernant des problématiques liées aux pratiques funéraires notamment leur impact sur la société et son fonctionnement. C’est ce que développe la sociologie en France en s’interrogeant sur la « Totalité ». La complexité des rapports entre croyances, idéologie et rites dans l’expression sociale, est replacée au cœur du phénomène funéraire mal comprise au début du siècle, puis minimisée par les courants postérieurs. Ces facteurs sont pourtant essentiels dans la compréhension du prestige puisqu’ils sont moteurs dans la représentation des élites.

Force est de constater que la recherche actuelle sur le Proche-Orient ancien a su assimiler ces facteurs dans le domaine social et dans le domaine du funéraire181. Un second constat peut être fait concernant la « réappropriation » du funéraire en tant que phénomène social, politique et religieux. Les découvertes récentes et leur traitement sont une manne pour démontrer que les pratiques funéraires de prestige ne sont pas des phénomènes anecdotiques mais qu’ils sont représentatifs de l’organisation sociétale et de ses pratiques. Des problématiques, telles que les formes de sociétés et d’organisation sociale, les formes de pouvoir, fondamentales dans la réflexion archéologique orientale, depuis l’après guerre, se sont enrichies d’un regard bilatéral de la confrontation au domaine anthropologique. Plus largement, il est intéressant de constater que le prestige peut être placé au cœur des problématiques transversales (production, économie, politique, échanges) et transhistoriques.

Notes
179.

Tainter 1975.

180.

Goldstein 1981 : 56 ; Parker Pearson 2002 : 75.

181.

Parker Pearson 2002.