1. L’identification sociétale au travers des tombes de prestige : potentialité et limites des modèles

a. La royauté et les rites d’après les archives d’Ebla et de Mari

La relation entre le pouvoir et les Tombes Royales d’Ur et de Kish est admise348. Il reste encore une inconnue concernant la place des défunts royaux dans la communauté d’Ur et de Kish. Les rites commémoratifs sont connus en Mésopotamie pour le IIème millénaire349, tandis que des textes révèlent des rites royaux de commémoration et de succession au trône pour l’extrême fin du IIIème millénaire et le IIème millénaire350. La place des morts royaux s’est transformée durant cette période avec la présence physique des mausolées d’Ur dont il est supposé qu’ils étaient dédiés aux rois divinisés de la IIIème Dynastie.

L’un des premiers rapports établit entre funéraires et rituels royaux a été établi à Ebla. À Ebla/Tell Mardikh, l’étude des sépultures royales en parallèle avec celle des Archives du palais G a été particulièrement stimulante concernant le fonctionnement de l’idéologie et des pratiques socio-religieuses. La découverte des tombes royales du Bronze Moyen351 place les rites funéraires au cœur du fonctionnement de la royauté352. Même si l’on a peu de renseignements sur les rites mortuaires royaux, les archives du IIIème millénaire confirment l’importance de rites associés à la royauté et aux rois défunts353. La politique de légitimation des rois passe par une relation avec le lignage royal ainsi qu’avec le territoire354. La tradition des tombes situées au cœur de l’institution palatiale est ancienne à Ebla, elle trouve son origine dans le palais G et l’hypogée G4 ; l’absence de matériel in situ ne permet pas d’aller plus avant dans les conclusions. La proximité des temples associés aux rites royaux permet, en revanche, d’insister sur la relation entre l’idéologie royale, les rites funéraires et les rites royaux.

Les rites royaux commémoratifs sont documentés à Mari355, par contre les relations entre des rites royaux et les hypogées du « petit palais oriental » ne sont pas établies. Les relations aux ancêtres et les pratiques liées à celles-ci sont centrales dans les deux traditions royales, mais elles se manifestent de façon distincte356 ; cependant, dans les deux cas, la relation aux Ancêtres dans la construction de la société représente une vision idéale de la société357.

Les découvertes faites à Ebla ont profondément remodelé l’histoire au IIIème millénaire. Avec l’apport des archives, elle fonde une tradition culturelle, idéologique et économique Nord-syrienne à laquelle semblent se rattacher fortement les sites de la région, en l’absence de documents dans une grande partie de ces sites. Les rites légitimant le pouvoir du roi à Ebla ont marqué une évolution dans l’intégration dialectique des morts dans l’organisation de la société orientale358. La problématique est surtout axée sur l’identification de la structure dans laquelle sont intégrés les morts qui la légitiment. On constate, en outre, une nécessité de rupture avec des « modèles » d’États centralisés, tels qu’ils ont été interprétés dans les royautés de Mésopotamie du Sud ; la multiplicité des villes urbanisées rend cohérent un tableau d’intégration multiple, de niveau structurel différentiel, complémentaire.

Notes
348.

Woolley 1934 ; Moorey 1977 ; Marchesi 2004. Cf. supra pp. 38-40, cf. infrapp. 93-96.

349.

Van der Torn 1994, 1996 ; Porter 2000 : 258-259.

350.

Sigrist 1989.

351.

Cf. suprap. 19-20.

352.

Matthiae 1997 : 268.

353.

Fronzaroli 1988 ; Pettinato 1992.

354.

Matthiae 1997 : 273 ; Franzaroli 1988.

355.

Birot 1980 ; Jacquet 2002.

356.

Porter 2002a : 5.

357.

Porter 2002a : 6.

358.

Porter 2002 a : 2.