2. De la typologie à la fonction

Chacun objet porte sa fonction dans sa forme (orner, parer, ou contenir) ; il est possible de distinguer une autre dimension que leur fonction « primaire » par certains facteurs, tels que la disposition, la quantité et la qualité409. L’étude de Winter portant sur une catégorie de vaisselle en métal d’Ur (les aiguières et les patènes) est éclairante sur ce point : elle met en perspective, en effet, la fonction « primaire » attribuée aux objets, et la fonction « symbolique » de ces mêmes objets par la suggestion de la performance du rite. L’auteur illustre son approche archéologique par des exemples tirés de l’ethnographie pour rechercher la sémantique de ces objets. Ces exemples ethnographiques montrent, en outre, la symbolique du contenant dans la performance du rite.

Le matériel funéraire joue un rôle dans les cérémonies funéraires, qu’il soit actif (dans la performance de rituel, nourriture) ou symbolique. Il reflète ainsi les relations entre les vivants et les morts, c’est un moyen d’exacerber les identités et la mémoire sociale. Chesson met l’accent, dans son introduction, sur l’importance des parures et de la décoration du corps dans les cérémonies. Le rôle de la parure est souvent relégué à celui de distinguer le sexe d’un individu410 ; cette analyse est accessoire car elle élude les manipulations possibles qui interviennent également pour la détermination de la fonction (les guerriers)411. Par contre, l’objet ornemental est intrinsèquement significatif dans la dialectique des assemblages : le décor apporté au corps prend une dimension sociale et symbolique dans les cérémonies412. Le corps devient un objet à part entière. L’anthropologue a pu observer la nécessité de décorer le défunt dans le but de lui permettre d’accéder au monde des morts, et pour jouer un rôle dans les cérémonies après ses funérailles413. Cette orientation est effleurée par Cohen, concernant les Tombes Royales d’Ur, dans son analyse des funérailles414. Cependant il envisage l’importance de la décoration du corps, non pas dans l’attention aux objets et leur relation à l’identité du mort, mais seulement dans la représentation.

L’approche sémantique des offrandes rappelle le postulat de D’Agostino et Schnapp, qui soulignent « les images et le discours sont les produits d’une même société »415 ; les objets sont les créations d’un langage social, codifié, dont le décryptage peut se faire en combinant plusieurs éléments. L’iconographie est un support de référence pour identifier les statuts représentés dans les parures, les vêtements et l’utilisation de certains objets dans des rituels416. D’un autre côté, les symboles et les thèmes iconographiques récurrents qui apparaissent sur les bijoux et le mobilier du cimetière d’Ur sont également des éléments intégrés dans une dialectique des modes de représentations du statut et du prestige dans les Tombes Royales417 .

Dans l’une des hypothèses qui seront abordées par la suite, l’objet, la forme et les signes forment un tout signifiant dans le discours social et funéraire. Dans le contexte du funéraire, l’objet de prestige, par sa fonction, les signes, participe au rituel et exacerbe l’identité du défunt418.

Notes
409.

Winter 1999a.

410.

Binford 1971 ; Gansell 2007.

411.

Watkins 1983 ; Philip 1995.

412.

Chesson 2001 : 4. Plusieurs études se sont penchées sur les décorations corporelles, voir Braithwaite 1982 ; Pader 1982 ; Parker Pearson 2002 ; Le Breton 2004 ; Baduel 2005. Les décorations sont importantes dans les cérémonies funéraires dans plusieurs cultures, cf. Lepowsky 1999 : 205.

413.

Lepowski 1989.

414.

Cohen 2005.

415.

D’Agostino, Schnapp 1982 : 17. Cf. Bachelot 1993 pour les représentations de la « Scarlet Ware » ; Boileau 1998 : en particulier 290-291 pour la céramique Ninive V en contexte funéraire.

416.

Humphrey 1981 : 9 ; Winter 1998.

417.

Hansen 1998 ; Miller 2000 ; cf. Kilmer 1987, pour la symbolique des mouches dans les textes du Déluge et les représentations visuelles ; Lamberg-Karlovsky reconnaît une sémantique des vaisselles gravées de chlorite, distribution des signes en Mésopotamie (Lamberg-Karlovsky 1988 : 53) ; cf. Perrot 2003.

418.

Chesson 2001 : 4 ; Boileau 1998 : 290.