2. Lorsque l’anthropologie fait de l’archéologie

Nous terminons ce chapitre en ouvrant sur une tendance perçue ces dernières années, qui est de redonner du sens à ce que nous ne percevons pas en archéologie mais qui façonne les pratiques funéraires de prestige : la société. Nous voulions souligner, comme un élargissement à cette partie, le fait que l’anthropologie s’empare des problématiques archéologiques pour décrire des phénomènes sociétaux, même si elle n’apparaît qu’en illustration ou justification méthodologique à des interrogations archéologiques.

L’ouvrage publié par Testart, La servitude volontaire 431, touche au cœur même de notre étude et de notre réflexion, car il met en exergue l’articulation entre deux phénomènes centraux, le funéraire et le pouvoir. Il décrit une pratique très spécifique -les morts d’accompagnement- dans des contextes sociétaux distincts dans le temps et l’espace allant de l’Asie Centrale à la Chine, au Proche-Orient (Mésopotamie et Egypte) et au Pacifique. La documentation est donc archéologique et anthropologique (récits de voyageurs, études de terrain). La première constatation repose sur les pratiques, dites « sacrificielles », liées à un personnage de prestige et au pouvoir qu’il représente432. L’auteur souligne les raisons sociales de ce type de pratiques funéraires (systèmes de dépendance, d’esclavage, pouvoir) : le contexte socio-culturel est déterminant, par contre les croyances ne sont pas une justification suffisante pour Testart433. Pourtant, elles ne doivent pas être négligées434, car dans le système mésopotamien, les textes indiquent un système de croyances élaboré. Ainsi qu’il le dit lui-même, l’anthropologue doit envisager les « champs des possibles » ; donc les croyances auraient aussi leur place dans la réflexion des pratiques funéraires. À trop vouloir minimiser la croyance, le contexte socio-culturel n’est pas entièrement pris en compte dans l’étude de Testart. La question peut être posée ainsi : la croyance est-elle à la source des pratiques ou s’est-elle élaborée pour justifier la pratique ?

En conclusion, l’étude des pratiques funéraires a pris une nouvelle orientation ces dernières années, après une longue phase de discussion théorique sur les interprétations et les approches comparatistes. Certaines notions sont encore peu prises en compte dont celle du prestige. Ce concept est plus volontiers employé en références aux échanges et aux études du matériel. Pourtant dans les dialectiques funéraires mises en évidence ces dernières années, le prestige des élites, qu’elles soient royales ou non, est central dans l’élaboration et la représentation du pouvoir. La représentation du prestige dans les tombes est une problématique vaste et très variable. Dans les pratiques funéraires, les représentations du prestige sont peu abordées en raison du statut des individus.

Notes
431.

Testart 2004a, b.

432.

Cf. infra pp. 101-102.

433.

Testart 2004a : 34.

434.

Carr 1993. Nous privilégions à dessein la sémantique de croyances et non de religion à l’instar de Carr qui préfère la sémantique de « système philosophico-religieux ».