Chapitre 3 – Concepts centraux dans l’étude des tombes de prestige

Parmi les problématiques soulevées dans le chapitre précédent, nous avons abordés l’identification des structures sociétales dans lesquelles se manifestaient les tombes de prestige, et les rôles des tombes dans la représentation de la complexité de ces sociétés. Le prestige des tombes et des individus inhumés se manifeste dans la construction, le mobilier et la localisation ; des efforts individuels et collectifs ont été fournis, des moyens ont été mis en œuvre pour l’élaboration. La concordance entre le projet sociétal et le système social pose un problème archéologique et social : les facteurs retenus sont-ils adaptés pour définir la structure ?

L’emploi du terme de royauté fait débat d’un point de vue historique ; il en est question lorsque les textes confirment la présence de cette institution. Les élites locales émergentes ne sont pas identifiées en tant que « royautés », ou dans de rares cas comme à Umm el-Marra. Porter évoquait une élite émergente intégrée dans un système corporatiste. Pourtant, le pouvoir d’un chef ou d’un roi diffère peu dans ses fondements, seulement dans l’échelle de l’exercice de ce pouvoir435. Les pratiques funéraires reflètent les systèmes de représentations idéologiques (croyances, rapports au mort) dans lesquels sont intégrés les individus de prestige. Pour comprendre la place de la tombe monumentale dans la société, il est donc nécessaire de corréler avec d’autres éléments présents dans les contextes locaux et régionaux. Par ailleurs, parce que les tombes de prestige préexistent à l’État, elles manifestent la présence d’une élite et d’un pouvoir suffisamment fort pour commander la construction de tombe monumentale. Il apparaît que des structures distinctes, chefferie ou État, selon un certain niveau de complexité aient des rites et des pratiques similaires. Une tombe de prestige s’intègre dans la construction idéologique du pouvoir simple ou complexe, tribu, chefferie, ou État.

Il faut envisager les constructions sociales qui se manifestent autour des tombes de prestige. Le pouvoir se construit par rapport aux projets sociétaux élaborés individuellement ou en commun. L’exercice du pouvoir se fonde sur plusieurs facteurs importants : l’idéologie, les rites, qui permettent, entre autre, une cohérence du projet sociétal, la cohésion sociale autour du pouvoir et le maintient de la structure sociale. Les tombes monumentales et les pratiques funéraires de prestige rentrent dans ce processus idéologique de représentation symbolique du pouvoir et de la société. L’approche diachronique des tombes de prestige et royales permet de développer les concepts d’idéologie, de rite essentiel à la compréhension du pouvoir et de comprendre l’importance de rites funéraires, tels que les sacrifices, qui pourraient être associés à des pratiques « royales ».

Notes
435.

Godelier 1999 : 20.