B. L’idéologie et les rites : manifestations idéologiques dans les rites des funérailles

Godelier a mis l’accent sur les fonctions de la reproduction sociétale et de l’idéologie dans le fonctionnement et la formation des nouveaux rapports sociaux474 ; il insiste sur le rôle de la religion, ou des croyances, dans l’exercice du pouvoir et le contrôle de la société. La pratique du pouvoir et les rites sont indissociables : le pouvoir utilise les rites et les symboles pour transmettre son idéologie et manipuler les relations sociales. Les rites sont liés à la fonction de la royauté ; auparavant, les auteurs avaient insisté sur le rôle des rois comme premiers officiants. La royauté se légitime, il est vrai, par la réalisation de rituels ou la participation à des cérémonies religieuses. Cohen s’inscrit dans cette orientation : les rituels funéraires, parmi d’autres évènements socio-politiques, sont les véhicules structurants des relations politiques475. Et dans les rituels, se manifeste l’idéologie « palatiale ».

Dans les pratiques funéraires, l’identification des rites est controversée sans savoir quelle est la signification des gestes et leurs références religieuses ou philosophico-religieuses. L’un des rites, particulièrement discuté, est celui des les « sacrifices humains » des Tombes Royales d’Ur car les textes s’avèrent peu prolixes. Dans les cas d’Ebla et de Mari, les archives fournissent plus d’information sur l’importance de la performance de rites dans la pratique de la royauté : différents évènements donnent lieu à des rites spécifiques, et le rappel du nom des rois défunts dans les rituels montre que la royauté est intrinsèquement liée aux rites qui la légitiment.

Rites et idéologie ? Les deux concepts sont-ils indissociables ? Pour de nombreux auteurs, les rites et l’idéologie sont consubstantiels : l’exercice de la royauté impose des rites pour légitimer l’idéologie officielle. En substance, le double sens contenu dans les deux concepts met en évidence les rapports ambivalents du religieux et du politique En Mésopotamie, le politique et le religieux sont rendus interdépendants par les liens des individus, issus des mêmes couches sociales, qui utilisent le religieux au profit du politique et du système social ; l’une des manifestations est la divinisation des rois, de leurs vivants ou post mortem. Ce chapitre tend à mettre en évidence non pas le rite en tant que pratique religieuse, mais la sémantique du rite, dans une manipulation idéologique de justification historique et politique du pouvoir royal.

Notes
474.

Godelier 1973 : 16-17.

475.

Cohen 2005 : 3.