A. L’espace et le territoire : deux concepts idéologiques dans les représentations du pouvoir

1. L’élaboration des frontières spatiales

L’espace est une perception étendue de ce qui nous entoure, de l’univers auquel sont confrontés les hommes, à l’espace restreint d’un territoire, d’une ville, d’un habitat ou d’une tombe. L’espace est symboliquement signifiant pour les hommes ; il manifeste des conceptions sociales et cosmologiques de ceux qui l’occupent614. L’espace est la rencontre de plusieurs frontières symboliques, immatérielles qui construisent socialement les individus : des frontières spatiales, le dedans-le dehors (bâti, non bâti), le dessus-le dessous (vivants, morts) et des frontières temporelles entre le passé et le présent (vivants-ancêtres). Les monuments cultuels et funéraires matérialisent ces bornes immatérielles de conceptions du monde et des relations sociales615.

L’homme construit son environnement, et ce dernier construit l’homme : les rapports de l’homme à l’environnement et les conceptions humaines de son environnement se traduisent dans l’implantation de structures monumentales, cultuelles (Stonehenge en est un exemple) ou funéraires. Ces constructions reproduisent le centre du monde616. Les cultes des ancêtres et les cultes funéraires sont en relation avec le territoire et l’environnement immédiat ou plus large des communautés, surtout si celles-ci sont des populations nomades ou semi nomades ayant une relation étroite avec ce territoire parcouru. Ces observations ont été faites, par exemple, pour les mégalithes néolithiques européens617, chez les populations de Madagascar618. Porter développe cette problématique concernant les Monuments Blancs de Tell Banat619 : l’auteur établit que les monuments funéraires visibles de la vallée de l’Euphrate sont un point fixe dans l’espace qui structure le corps social et les relations des individus avec leur territoire.

Les tombes de prestige monumentales définissent les frontières spatiales d’une communauté, mais elles définissent également les frontières temporelles de celle-ci en rappelant l’empreinte des Morts sur le territoire. C’est la « mémoire collective » de la communauté qui est fixée dans le monument funéraire. Les rites funéraires et commémoratifs intègrent l’espace et le temps pour maintenir le fonctionnement sociétal et l’équilibre universel620.

Notes
614.

Collins 2000 : 10-11.

615.

Chapman 1981; Bloch 1981 ; Barnett 1990 ; Tilley 1996 ; Richards 1996 ; Parker Pearson, Ramilisonina 1998.

616.

Richards 1996 ; Parker Pearson, Richards 1994.

617.

Tilley 1996.

618.

Bloch 1981 ; Parker Pearson, Ramilisonina 1998.

619.

Porter 2000, 2002.

620.

Peltenburg 1999b ; Porter 2000.