B. Le temps et le territoire : l’utilisation du territoire dans les rituels royaux

1. Les rites royaux d’Ebla

a. Les mariages

Les textes d’Ebla décrivent des rituels qui confirmeraient la situation précédemment décrite : l’ancêtre est intégré dans la société, par la légitimation de la relation de parenté du roi vivant avec ses ancêtres et les divinités titulaires d’Ebla. Des textes relatent des rituels codifiés traduits, soit en tant que successions au trône, soit en tant que mariage du roi ; ils font références aux ancêtres intervenant (passivement) dans les rites pratiqués par les protagonistes. Concernant les textes ARET XI (TM.75.G.1823 [texte A] / TM.75.G.1939 [texte B] / TM.G.1672 [texte C]) il y eu controverse entre les auteurs : selon Pettinato, dans un premier temps, il s’agissait de rites pour la reine défunte puis, il se fixa pour des rites à la succession au trône633. Fronzaroli les interpréta tout d’abord comme un culte aux rois défunts, pour finalement y voir des rites pour la célébration du mariage du souverain d’Ebla634. Cette ultime version semble faire l’unanimité aujourd’hui635. D’autres textes présentent une succession semblable de rites (ARET 3.178636, ARET VII, ARES I) ce qui crée une difficulté d’interprétation des évènements relatés, toujours sujets à révision637.

Les rites de mariage débutent par des sacrifices dans la cité d’Ebla ; puis la reine se rend dans le temple de Kura638, à SA-ZA, à l’extérieur d’Ebla, pour des offrandes à Išhara, Kura, sa parèdre Barama, Isiru et Aniru. Le pèlerinage commence le lendemain vers plusieurs cités ; les souverains sont suivis d’une cour, avec des offrandes pour les rituels (textiles, bijoux, métaux précieux et de l’huile) et les statues des dieux Kura et Barama. La procession s’arrête à Mašad où le couple royal s’assoit sur les « trônes des pères », puis se dirige vers Nenaš, Irad, Uduhudu, Niap639. Dans chacune de ces localités sont pratiquées des offrandes aux dieux titulaires et à des rois défunts (à Irad, Li’m ; à Uduhudu, le roi Hammam). Au retour, la procession s’arrête de nouveau à Nenaš/Binaš dans le Mausolée. Le couple y résidera dans des cellules séparées et participera à plusieurs séries de rites, notamment des offrandes à des rois défunts, sous la protection ou l’accord des divinités Kura et Barama. Les rites se déroulent sur une période de trois fois sept jours. Dans le texte ARET 3.178, des offrandes aux rois défunts sont pratiquées dans le temple de Kura, donc à proximité d’Ebla, mais pas à l’intérieur de la cité640. Le personnage pratiquant les rites n’est pas nommé.

Notes
633.

Pettinato 1992. 

634.

Fronzaroli 1992 : 163-185.

635.

Biga 1998 : 213-224 ; Porter 2000 : 231-239.

636.

Fronzaroli 1988 : 1-32.

637.

Porter 2000 : 233.

638.

Ce dieu est attaché à la dynastie royale. Certains auteurs l’ont interprété comme un autre nom d’une des deux divinités principales d’Ebla, le dieu de l’orage, Hadda. Mais une des interprétations lui donnent des connotations chtoniennes, avec le dieu Rašap. Cf. Porter 2000 : 234, n. 13.

639.

Nenaš est situé sur la route de Lud, connu pour son temple d’Hadda où les rois se rendent pour des offrandes; à Uduhudu se situe un sanctuaire du dieu des Enfers. C’est à un roi divinisé que sont faites des offrandes, des rois s’y rendent également pour des offrandes. Niap est encore un temple pour la divinité des Enfers. Cf. Porter 2000 : 234, n. 17-18, 235, n. 19-22.

640.

Fronzaroli 1988 : 29 ; pour la localisation du lieu voir Porter 2000 : 233, n. 12, 237, n. 28, 250, n. 42.