La ville est le lieu par lequel se définit la communauté qui y vit. C’est une base de référence de l’identité culturelle, sociale, et politique. Nous avons abordé cet aspect dans un chapitre précédent. Pour définir ce qu’est une ville, intrinsèquement, nous retiendrons trois aspects : c’est un lieu d’échange économique, religieux avec les temples, et politique, avec un palais ou un bâtiment administratif665. Les remparts bâtis au cours du IIIème millénaire ne sont pas seulement des systèmes défensifs, mais ont pour rôle d’élever des limites matérielles précises entre la cité et le territoire de la cité. C’est une frontière symbolique et physique qui « stabilise l’espace urbain » et définit l’intérieur et l’extérieur666. À l’intérieur même de la ville sont délimités l’espace du dieu et l’espace de l’homme avec une séparation entre temples et espace de la cité : Battini souligne ainsi la distinction fonctionnelle entre acropole et ville basse. L’Acropole est occupée par des temples ou des palais et ainsi sépare, au sein de la cité, le pouvoir et la population. Une architecture monumentale caractérise la ville en tant qu’entité centrale d’un pouvoir, politique ou religieux. L’organisation de l’espace urbain et l’agencement des monuments sont l’expression identitaire et politique de la ville ; l’observation des localisations des sépultures de prestige dans cet espace urbain permet de mettre en évidence des pratiques culturelles et idéologiques distinctes.
La première distinction concerne les deux principaux regroupements : les nécropoles et les complexes en relation avec des bâtiments officiels. Le choix de la localisation intra-muros ou extra-muros pour les tombes de prestige définit une tradition et une relation au pouvoir qui peut être influencée par l’origine même de ce pouvoir et de ceux qui le détiennent. La limite n’est pas toujours nette, volontairement : sur le site Jerablus-Tahtani, la tombe s’élève à la limite extérieure des remparts, même si elle appartient à la cité. Cet exemple fait le lien avec le second point de cette partie « ce qui est vu et ce qui est invisible » : à Jerablus-Tahtani, à Umm el-Marra et Tell Ahmar, les regroupements sont localisés sur des points visibles et symboliques dans l’organisation institutionnelle et la topographie de la cité ; à Umm el-Marra et Tell Ahmar, les complexes sont sur l’Acropole.
Chronologie | Localisation | ||||||
Intra-muros | Extra-muros | ||||||
Espace public | Temple | Habitat | Palais | Tertre | Cimetière | ||
BA I | 3100-2900 | Ur | |||||
BAII | 2900-2600 | Mari T21-22, Tell Hadidi D, L1 | Mari T241-242 Qara Quzac L12 |
Tell Bi'a | |||
BAIII | 2600-2450 | Tell Banat T7 | Mari T300 | Tell Banat Nord | Kheit Qasim, Kish |
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2600-2500 | Jerablus-Tahtani | Ur | |||||
2450-2350 | Umm el-Marra Jerablus-Tahtani | Tell Ahmar ? | Ur | ||||
BAIVA | 2350-2150 | Umm el-Marra Jerablus-Tahtani | Ebla G4 | Ur | |||
BAIVB | 2150-2000 | Mari 763-928 | Ur Mausolées | ||||
BM I | 2000-1800 | Tell Bi’a | |||||
BMII | 1800-1600 | Ebla |
Battini 1998 : 5-6. La superficie est un facteur particpant à la définition d’une « ville » (14-15).
Matthiae 1999.
Cf. chronologie 1, volume 3.