2. Mari (pl. 2, 7, 8)

La partie centrale du tell constitue le centre politique et religieux de la cité. Le secteur des temples est appelé la Haute terrasse ; il est bordé à l’Est par la Voie Sacrée, orientée Nord-Est/ Sud-Ouest, et à l’Ouest par la Grande Voie, qui la sépare du Grand Palais Royal de l’époque Šakkanakku 692. Les tombeaux de Mari, 241-242 et 300693 sont construits dans le quartier du Temple d’Ishtar, en relation avec d’autres sépultures en pleine terre (tombes 240-246)694 (pl. 7a) ; ils appartiennent à la « Ville I » c’est à dire au Bronze Ancien II. Le quartier reste un lieu d’inhumation pour les périodes postérieures (pl. 2b)695 .

Selon les indications de Parrot, la stratigraphie a été reconstituée ainsi : les habitations du niveau d, dans le quartier des prêtres, ont été perturbées par l’implantation des tombeaux. Ils précèdent l’installation, au-dessus de leur emplacement, du temple c (pl. 7b). Il semble que le tombeau 300 était situé en bordure de la cour dite c ; il n’est pas clairement précisé si les tombeaux jumelés étaient situés sous la cour, cependant les indications semblent le montrer : « …la cour du temple c ayant été démontée, il apparut très nettement que le sanctuaire avait été élevé sur une zone creusée peu avant pour abriter des tombeaux monumentaux… »696

Ces trois sépultures font partie intégrante du secteur du temple, les blocs des fondations du niveau e sont utilisés pour la construction des tombeaux. Il est possible que les tombeaux aient été construits dans l’espace du temple. Il semble en effet, d’après Parrot, que les trois sépultures se trouvent entre deux niveaux de construction sans qu’une relation avec le niveau c soit clairement établie. Les nouvelles études de Margueron dans le secteur du rempart (2000), et des sondages dans les fondations du bâtiment de pierre (1997) ont complété ces anciennes données. Le bâtiment aux fondations de pierre représente la phase ancienne697. Cette construction, aux fondations en moellons de pierre et avec une superstructure de briques, s’étend sur 750 m2 environ ; elle est divisée en espaces de dimensions régulières. Dans la phase suivante 2, une terrasse en radier de gypse semble être un niveau intermédiaire entre le bâtiment et le niveau d ou la phase 3. Cette dernière est marquée par une modification des constructions qui semblent être des maisons de briques crues. Les tombeaux appartiennent à la phase 4, une période intermédiaire, où les maisons de la phase précédente sont déjà abandonnées et en partie érodées. Ainsi les tombeaux ont sans doute été construits à partir d’un niveau non construit, dans le niveau d698.

Les tombeaux ont pu être construits sur le sol ou à demi enterrés, et non pas enfouis totalement comme l’ont suggéré implicitement toutes les descriptions des fouilleurs. Certaines caractéristiques semblent étayer cette hypothèse : les documents photographiques de Parrot suggèrent que les tombes pouvaient ouvrir sur un espace ouvert699. Des amas d’offrandes sont disposés devant la chambre du tombeau 300, sur une sorte de banquette aménagée700. Les tombeaux ont été laissés visibles pendant un certain temps avant la construction du temple. Le problème se pose alors de la relation entre les tombes et le temple. Selon Margueron, les nouveaux constructeurs ne connaissaient pas la présence des tombeaux : « puisque leur présence aurait dû interdire le choix de leur emplacement »701. Cependant cette hypothèse peut être remise en cause, puisque d’autres sépultures contemporaines sont localisées dans le secteur et ont dû être détectées. La coupe, reprise d’après des documents des fouilles de Parrot, montre que la dalle sommitale des tombes 241, et sans doute 242, ont pu être accessibles par le niveau c (pl. 7b)702. L’installation d’un temple n’est donc pas incompatible avec la présence de sépultures, d’autant qu’il est probable que la construction des tombes est intentionnelle. Cette localisation est par ailleurs confirmée par de nouvelles découvertes faites à Tell Beydar 703.

À Tell Beydar, ancienne Nabad situé au Nord-Ouest de la Syrie a été mise au jour entre autre une tombe construite sous le Temple A, datée de la période akkadienne ancienne. Après une période d’abandon, le site est réoccupé (2350 av. J.-C.) et subit des profondes modifications dans le secteur de l’Acropole, sur lequel se concentre l’occupation (pl. 8). Le « bloc officiel » est détruit, le Temple A est transformé. La tombe du temple se situe à 3 m sous la salle principale du sanctuaire (pl. 9a). Elle est construite en briques crues ; elle se divise en deux puits. Le puits Est est occupé par deux petites chambres, séparées par un accès scellé. Le puits Ouest est occupé par une seule chambre accessible par un couloir, dans laquelle est déposée l’inhumation principale (pl. 9b).

Notes
692.

Margueron 2004 : 341, fig. 319.

693.

Jean-Marie 1990 : 305-310, pl. III, VI, VII, X, XI-XIII ; 1999 : 7-8, pl. 10.

694.

Jean-Marie 1999 : 5-8 : ces tombes en pleine terre se situent au-dessus des tombeaux à une hauteur non précisée. Elles seraient selon les indications de l’auteur associées au niveau d, et datées du Dynastique Archaïque II comme les tombeaux.

695.

Jean-Marie 1999 : pour la période Šakkanakku, des tombes en pleine terre 40-41 (pp. 8-11) ; des tombes construites dans le secteur Sud 42, 44 (pp. 12-13). Au total, 14 inhumations sont répertoriées sur le secteur du temple, pour le secteur Est du temple d’Ishtar (et chantier F) le nombre de sépultures s’élève à 127 (p. 15).

696.

Parrot 1937 : 60, 61, 64 ; Parrot 1938 : 4, 6, 7 ; Jean-Marie1990 : 305-306.

697.

Margueron 2004 : 90, fig. 56 ; Margueron 2007 : 136, fig. 6.

698.

Margueron 2004 : 89-92, 90-91, figs. 56-59.

699.

Peltenburg émet cette hypothèse pour les tombeaux de Mari au sujet des accès : il n’y a pas de puits. Cf. Peltenburg et alii 1995 : 8 ; Margueron 2004 : 92, fig. 60-61.

700.

Voir planche 32, volume 3.

701.

Margueron 2004 : 247. La sacralité du secteur est reprise par l’auteur pour justifier la localisation des tombeaux sous le palais oriental et non sous le grand palais.

702.

Margueron 2004 : 91, fig. 59 ; Margueron 2007 : 135, fig. 5.

703.

Lebeau, Suleiman 1997 ; Van der Stede 2003 : 46, fig. 153. Les modifications intervenues ne sont pas mises en corrélation avec la position de la tombe. Nous nous demandons donc si la construction de la tombe est intervenue durant cette période, ou était-elle déjà construite dans une phase antérieure ?