4. Mari (pl. 20, 21)

À l’Est de la Voie Sacrée s’élève, en dehors du cœur de la cité, deux édifices, le bâtiment E et le Petit Palais Oriental (pl. 20)750. Ces deux bâtiments sont isolés par rapport à la trame urbaine : aucune voie de communication, aucun quartier d’habitation ne les relie au reste de la ville. Mais ils sont importants dans la topographie de la cité puisqu’ils sont situés sur un point haut du tell. Ils appartiennent à la « Ville III » de Mari donc à la fin du Bronze Ancien, et ils sont toujours en activité à la destruction de la ville par Hammurabi.

Le contexte environnemental du Petit Palais Oriental ne peut être précisé, il ne semble pas possible dans l’état actuel des fouilles d’établir s’il est entouré de structures ou d’habitations751. Trois phases d’occupation ont été déterminées752. De forme rectangulaire, il s’organise autour de trois unités principales ; nous reviendrons dans une section suivante sur la fonction de l’ensemble des unités. La « première cour » LVIII, en grande partie érodée, est bordée de salles étroites et allongées. De cette « cour », on accède à la seconde partie du palais, s’organisant autour de la « salle du Trône » XVI. Cette grande pièce (17 x 8 m) est entourée d’une couronne de pièces quadrangulaires avec une extension plus importante à l’Ouest. Cette pièce est ouverte sur ses quatre côtés. Sous cette salle se trouvait la tombe monumentale à chambres multiples (IV R2 SE T 7 / 723) dans la même orientation. Dans la partie occidentale de la salle XVI, se trouve une série de pièces (appelées les appartements du roi), auxquelles on accédait par la salle XXVIII, derrière le trône. L’accès à la partie Sud de l’édifice se faisait par une petite salle XXV. Ces appartements se divisent en deux unités séparées par un corridor II et organisées autour d’un espace central donnant sur d’autres pièces. C’est sous l’espace central I (12 x 7 m) que se situe la deuxième tombe monumentale 928 retrouvée sous le palais. L’autre « cour » II est plus petite (9 x 9 m).

La tombe 928 est de plus petites dimensions que la tombe 723753. Elle se compose de deux chambres seulement. Le caveau 723 est une structure indépendante du palais, elle est profondément enfouie sous le niveau d’occupation. Le sommet des dalles de couverture de salle A se trouve à 2 m environ du sol de la salle XVI. Comme la précédente, la tombe 928 n’a aucun lien structural avec l’édifice mais elle est moins profonde, son sommet est à quarante centimètres du sol de la salle I. Son orientation est conforme à celle de la salle I, mais elle est légèrement décalée vers le Sud-Est. Il semble que les deux sépultures ont été construites en même temps. Ces tombeaux sont datés de la fin du IIIème millénaire754.

La présence de tombes sous un palais est une caractéristique inhabituelle pour Mari à cette époque. Des hypothèses sont avancées par le fouilleur pour expliquer cette particularité : la première hypothèse est qu’il s’agit d’un palais de remplacement755 ; la deuxième évoque un « palais hypogée ». Ce dernier choix se justifie, selon Margueron, car la dynastie des Šakkanakku qui résidait dans le Palais Royal, abritant le temple principal de la ville, ne pouvait se faire inhumer sous le palais, devenu une « terre sacrée»756. D’autres modes d’inhumations pouvaient être pratiqués pour les membres de la famille royale (tombe du chantier B, probablement de Zinuba, fils de Iddin-Ilum). Le Palais Oriental aurait donc une double fonction : lieu d’inhumation, lieu de vie temporaire ou de remplacement pour le roi757. Nous notons que le secteur du temple d’Ishtar est un secteur privilégié pour les inhumations, et la Haute Terrasse n’est pas dépourvue d’inhumations758. Faut-il mettre en rapport le « palais hypogée » de Mari avec les Mausolées des rois d’Ur III ? Le palais à Mari possède notamment des aménagements sanitaires et culinaires, qui pourraient le rendre habitable, tandis que les Mausolées n’ont jamais eu cette orientation. Les deux bâtiments ont pour seul point commun d’être construits en marge du centre de la cité759.

Notes
750.

Margueron 2004 : 341, fig. 319, 351.

751.

Margueron 2004 : 342-344, 356.

752.

Margueron 2004 : 353-354. Cf. chronologie 1, volume 3.

753.

Margueron 1984 : 197-215 ; Margueron 1990 : 402-422 ; Jean-Marie 1999 : 12-13 ; Margueron 2004 : 350-363, 356-361, figs. 335-344.

754.

Margueron 2004 ; Lebeau 1984 : 217-221 ; Lebeau 1990 : 375-583. 

755.

Margueron 2004 : 361.

756.

Margueron 2004 : 361.

757.

Margueron 2004 : 36.

758.

Cf. suprap. 121. Jean-Marie 1999 : 8, 12, 15. Dix-neuf inhumations sont recensées sur la Haute Terrasse (les tombes en pleine terre 427, 473, 530, 532- 534, 595 [p. 8] et la tombe construite 477 [p. 12] sont datées de la fin du IIIème millénaire) ; onze tombes sont recensées pour le chantier A (la tombe en pleine terre 771 [ p.5] est datée du DA ; les tombes en pleine terre 957, 1024, 1030, 1036, 1037 sont datées de la fin du IIIème millénaire [p. 8]).

759.

Cf. infra p. 190.