3. Les Mausolées de Šulgi et d’Amar Sin (pl. 22, 24b)

Les Mausolées des rois d’Ur sont placés à l’extrémité Nord-Est du Cimetière Royal782. Ils se situent en dehors du Téménos construit durant la IIIème Dynastie qui enclot les temples dédiés au dieu Nanna, le Giparu et le palais d’Ur Nammu et Šulgi, l’E-Ana (pl. 22). Les bâtiments ont été installés sur une terrasse coupée dans un terrain vague du Cimetière Royal incliné Sud-Ouest/Nord-Est. La limite Sud-Ouest des bâtiments des Mausolées est le mur construit en briques plano-convexes des tombes de la « Seconde Dynastie » (tombe 1850). Cette localisation incite sans doute le fouilleur à penser qu’il n’y a aucune relation avec le Cimetière Royal ; l’installation résulterait d’un choix pratique, plus que d’une tradition. Il n’exclut pas néanmoins une relation de type religieux avec le cimetière ancien. Il faut souligner toutefois qu’il n’y pas de longue coupure chronologique entre la fin de l’utilisation du cimetière et la construction des Mausolées.

Les Mausolées sont composés de trois bâtiments : au centre, le plus grand, est construit en briques inscrites au nom de Šulgi. Au Sud-Est, un bâtiment plus petit au nom d’Amar Sin, communique avec le bâtiment central. Le dernier bâtiment est situé au Nord-Ouest ; il ne communique pas avec le grand bâtiment, son plan est différent des autres. L’ensemble est orienté Nord-Ouest/Sud-Est suivant l’orientation des Tombes Royales du DA III. La construction des Mausolées se compose d’une partie supérieure, divisée en plusieurs salles qui ont été identifiées par Woolley comme des lieux de culte, par la présence de ce que le fouilleur nomme « des autels » dans plusieurs d’entre elles, et des dispositifs d’écoulement783. Dans la partie inférieure souterraine, se situent les tombes construites dans lesquelles auraient été enterrés les rois Amar Sin et Šulgi. Néanmoins, aucune inhumation n’a été retrouvée et le matériel des « tombes » est pauvre, il se compose de quelques éléments de vaisselle en pierre et en céramique. Moorey s’interroge donc : « où sont enterrés les rois de la IIIème dynastie d’Ur » ? La question sera débattue plus tard, dans le développement, mais il semblerait, selon les sources épigraphiques, que certains rois d’Ur se seraient fait inhumer dans les environs de la ville d’origine de la dynastie, Uruk. Cette même hypothèse a été évoquée pour les rois de Mari, qui seraient enterrés à Terqa, également cité d’origine de la dynastie des Šakkanakku.

Contrairement à Woolley, nous ne pensons pas que les Mausolées aient été construits fortuitement à proximité du cimetière. Il existe une tradition dans l’implantation de cimetières depuis la période de Djemdet Nasr jusqu’à la fin du IIIème millénaire. La localisation des Mausolées, à l’extrémité Nord-Est, se situe dans la continuité géographique des cimetières successifs de la fin du IVème au début du IIIème millénaire. La localisation sert de fondement à leur construction ainsi qu’à l’idéologie royale développée par les rois de la IIIème dynastie d’Ur : le renouveau de la dynastie sumérienne, idéalisée par des rois « mythiques », inscrits dans la Liste Royale, tel que Mesannepada, le fondateur de la dynastie d’Ur lié à un temps immémorial. Les habitants d’Ur ont toujours présent dans leur mémoire collective le souvenir de ces rois, matérialisé par la présence du cimetière qui est un « espace public», visible, représentant l’identité individuelle et collective784. Le rapprochement « géographique » et physique avec les « ancêtres » légitime la filiation entre les deux dynasties, et s’enracine dans l’histoire (réelle ou imaginée) et la mémoire collective.

Notes
782.

Woolley 1974 : pl. 53.

783.

Cf. infra pp. 192-193.

784.

De Cesari 2001 : 361, 362.