C. L’intégration dans le contexte architectural

D’après l’étude des unités palatiales et des ensembles publics, nous considérons que la présence d’une tombe de prestige engendre un certain nombre d’effets dans l’organisation des bâtiments. Il a été mis en évidence que les tombes étaient planifiées avant la construction des bâtiments982 ce qui semble justifier l’hypothèse du rôle de la tombe dans l’ordonnance des espaces supérieurs, ainsi que la fonction de ces espaces.

Salles identifie des lieux réservés à des rituels funéraires dans le Palais d’Ougarit du IIème millénaire. Al Khalesi proposait des caractéristiques architecturales permettant de reconnaître des salles dédiées à la célébration du Kispum à l’intérieur des palais et des temples983. Nous retiendrons les principales : les dimensions et la forme des unités architecturales, leur localisation dans l’ensemble du bâtiment, les systèmes de communications intérieurs et extérieurs. Cependant, l’auteur ne considère pas la présence des tombes comme un élément déterminant dans la réalisation des rituels984. Pourtant, les complexes funéraires sont intégrés à l’espace architectural et au système de circulation ; ils construisent cet espace, tant sur l’aspect monumental que rituel. Des espaces et des structures adjacents à l’espace sépulcral sont ainsi réservés pour les rituels funéraires ou commémoratifs (Umm el-Marra, Tell Banat). L’accessibilité et la localisation de la sépulture sont liées à son rôle au sein du contexte architectural, qu’il soit palatial ou urbain.

L’accès proprement dit à la tombe et le parcours de circulation menant à celle-ci seront détaillés dans les contextes palatiaux et à ciel ouvert, car dans les deux cas, l’espace dépend de la dialectique idéologique : il devient un parcours symbolique et rituel.

Nous avons souligné auparavant la place symbolique de la tombe. Jonker souligne le rapport entre deux sphères, le « dessous » et le « dessus », dans l’agencement d’une habitation qui régule l’harmonie des relations entre vivants et morts985. Le contact avec les morts, leur présence, représente un symbole et un instrument de la cohésion sociale : cela enracine le groupe, lui confère une identité locale et communautaire et sanctionne son ordre. De Cesari développe la relation entre la tombe et « l’espace public » : la tombe est un locus de la mémoire collective986. De même, Porter établit que les monuments funéraires visibles de la vallée de l’Euphrate sont un point fixe dans l’espace qui structure le corps social et les relations des individus avec leur territoire987. Les complexes funéraires sont le point focal des relations avec les morts : de la pratique du culte des morts et de la mémoire collective.

Notre démarche prend pour point de départ la tombe, sa localisation, les modes d’accès pour l’intégrer dans l’ensemble architectural. Les salles sous lesquelles se situe la tombe, les salles où débouche l’accès, la forme et les installations de chaque espace limitrophe, ainsi que les circulations internes seront détaillées.

Notes
982.

Cf. supra p. 183. Margueron 1984 : 408.

983.

Al Khalesi 1977 : 57 ; Salles 1995 : 181-183.

984.

De Cesari 2002 : 364 ; contra Tsukimoto 1980.

985.

Jonker 1993 : 194- 197.

986.

De Cesari 2002 : 359.

987.

Porter 2000 : 37.