L’enterrement n’est pas simplement l’acte de déposer le corps dans la chambre funéraire ; il s’accompagne d’un ensemble de gestes, dont nous n’avons aujourd’hui qu’une vision partielle et auxquels nous ne pouvons pas attribuer un sens avec certitude : « la pensée à l’origine du geste nous est à tout jamais perdue pour les populations préhistoriques »1185. Nous entrons là dans le débat d’une distinction entre profane/ sacré où réside le danger d’une interprétation partiale.
Nous employons intentionnellement la terminologie de « rites funéraires », dans ce chapitre ; Leroi-Gourhan définit les « rites » en tant qu’association d’une pratique et d’une croyance1186. Dès les années 60-70, l’archéologie fait du funéraire un phénomène social. Binford analyse les différents « traits » dans des unités culturelles spécifiques, en tant qu’expressions ou symboles du statut social du défunt. Depuis quelques années, des études du matériel funéraire ont montré, avec l’appui des textes (annexe 1), qu’une partie de ce matériel n’était pas destinée intégralement aux défunts, mais aux dieux du Monde d’En Bas. D’autres études, Winter et Cohen par exemple, ont établi que certains types d’objets et leur localisation peuvent refléter des rituels pratiqués au moment des funérailles1187 :
‘“Issues of ritual intersect with questions of deposition when the types of objects/material remains found in the tomb can be shown to have been associated with particular activities - i.e. not merely what (makers of wealth, chronology or identity), but how objects/materials were deposited/deployed”.1188 ’Les offrandes funéraires s’expliquent par la croyance dans une vie dans l’au-delà. En Mésopotamie, les croyances sont présentes dans « des mythes, les rituels, des prières, des textes juridiques et historiques » qui ont pour objet la mort1189 : la mort, mutu, ses suites, et les morts, leur traitement ici bas après leur décès. La mort est un passage qui s’effectue par la tombe.
Les gestes pratiqués sont variés : dépôts de mobilier, offrandes animales, viatiques, libations, ou feux. Ces gestes ne sont pas pratiqués simultanément. Dans les Tombes Royales d’Ur, les rites sont nombreux et sont développés d’une façon originale que nous n’avons pas retrouvée dans d’autres tombes de prestige. Le dépôt d’objets, de céramique en particulier, en plus ou moins grande quantité et de qualité variable, est toujours présent dans les tombes. Nous étudierons, dans un autre chapitre, les objets ; certains d’entre eux rentrent dans la pratique rituelle. Nous nous intéresserons ici aux rites, présents et absents, à leur importance et leur association entre eux. Les viatiques, c’est-à-dire les provisions pour l’au-delà, sont destinés au défunt, ils sont constitués de divers aliments ; ils peuvent inclure des dépôts de carcasses animales, entières ou partielles. Celles-ci sont interprétées comme les témoins d’un banquet funèbre, un partage entre les vivants et les morts.
En outre, les rites funéraires incluent les cérémonies de l’enterrement, décrits par les textes économiques pour le détail des prestations et de leur rétribution (annexe 1-Aa, b). Le matériel funéraire présente une situation ultime d’un ensemble de gestes. La phase liminaire de l’inhumation est un acte dont nous avons une image précise avec les cortèges funèbres d’après les Tombes Royales 789, 800 et dont certains autres éléments à Kish, Ur, confirment l’existence de rites cérémoniels particulièrement développés pour les élites.
Crubézy 2000 : 14.
Crubézy et alii 2000 : 205.
Winter 1999, Cohen 2005 : 27.
Winter 1999 : 231.
Bottéro 1982 : 373.