2. Les funérailles

Les pleureuses et les musiciennes jouent un rôle majeur lors des funérailles, et dans le déroulement du deuil. Le personnel engagé pour les funérailles royales est particulièrement nombreux et chacun des spécialistes apparaît dans les textes économiques avec le traitement dû à sa fonction1191.

Les funérailles royales sont également documentées dans les textes de Gilgameš et Ur Nammu. Šamaš, entendant les lamentations d’Enkidu mourant, lui décrit ses funérailles en insistant sur les hommages des habitants de la ville et des rois étrangers (« les princes du territoire »1192) :

‘« […]
Il va te [fair]e reposer
Dans un grand lit,
T’allonger
Sur une couche agréable,
Après t’avoir ménagé, à sa gauche
Une place inamovible !
[Les prin]ces du territoire
Te viendront baiser les pieds ;
Les gens d’Uruk,
Il les [fera pl]eurer et lamenter sur toi ;
Il plongera, pour toi, dans le deuil
[Les plus glori]eux de (ses) sujets !
[Lui même], après ta (mort),
Se donnera un aspect échevelé,
[Et, revêt]u, seulement d’une dépouille de lion,
Il vagabondera dans la steppe ! » 1193

Les cortèges funèbres, composés de pleureuses, chanteuses, musiciennes et prêtres, accompagnent le défunt posé sur un traîneau ou un char jusqu’à sa tombe. C’est sur un char qu’Ur Nammu rejoint les enfers. Les textes apportent du crédit aux découvertes archéologiques : « traîneau de bois, 1 paire d’équidés kunga 2  » (DP 75, annexe 1-Ac), « 1 âne, 1…-chariot, » (UCLM 9-1798, annexe 1-Ad). Le char est un véhicule utilitaire, militaire, et comme le traîneau, il est employé dans des contextes cérémoniels, symboliques, tels que les funérailles en relation avec le statut social de l’individu qu’il transporte1194. Ce n’est pas anodin si la reine Pu’abi est transportée sur un traîneau alors que les chars semblent être plus spécifiquement associés à des personnalités masculines ; si cette distinction n’est pas liée à la fonction de l’individu, elle est sans doute en relation avec son sexe. Des chars entiers ou des roues sont retrouvés en Egypte, en Iran (Suse)1195, en Anatolie, en Asie Centrale1196 dans des tombes identifiées comme royales ou des tombes de chefs.

L’étape des cérémonies publiques traversant la ville pour atteindre le lieu d’inhumation est une phase de transformation idéologique du défunt, élaborée par les préparateurs et les organisateurs des funérailles :

‘« The elite corpse was garbed in finery, enveloped in elaborate jewellery and provisioned with symbolically significant attributes. The corpse was then carried to the grave site on a cart or chariot and in the midst of a procession that was surely comprised of the mourners […] Such tumultuous procession must have been spectacular drama that attracted the attention of an audience.” 1197

Ceci illustre les funérailles telles qu’elles apparaissent dans les Tombes Royales d’Ur (pl. 81). Dans les cas où il n’y a pas d’indices de telles processions mortuaires, les funérailles étaient probablement marquées par des cérémonies publiques, auxquelles la population assistait en tant que témoin de la grandeur du défunt.

La partie finale des cérémonies se situe dans la tombe, avec une partie restreinte des proches et des officiels, dans des rituels dont nous avons seulement quelques traces matérielles.

Notes
1191.

Chiodi 1994a : 393-94, TSA 9, AWL 66, 395-97, Elégies funèbres du Musée Pushkin ; Jonker 1995 : 193, les lamentations pour le deuil de la reine Adad-gupi se poursuivent sept jours et sept nuits après les funérailles, puis les pleureuses ôtent leur vêtement de deuil, se lavent et mangent en l’honneur de la défunte.

1192.

Cf. texte K.7856+K.6323 (annexe 1-Ae) : hommage par envoi de cadeaux pour les funérailles, qui font partie des échanges « diplomatiques » entre les souverains (Lerouxel 2002).

1193.

Bottéro 1989 : La mort de Gilgameš, 142, v. 41-48.

1194.

Littauer, Crouwel 1990.

1195.

Amiet 1966.

1196.

À Alaça Hüyük, période Hatti, des éléments métalliques de formes animalières et discoïdales, à fonction symbolique, sont déposés dans les tombes : ils sont interprétés comme des insignes accrochés aux chars transportant les corps (Bittel 1962). Au IIIème millénaire, dans le kourgane de Maikop, un baldaquin a été mis au jour, celui-ci devait être placé sur un char pour protéger le corps (Philips 1965). D’autres tombes sont retrouvées avec des chars et des animaux (Littauer, Crouwell 2000 : 79-92).

1197.

Cohen 2005 : 149.