A. Le traitement du corps 

La disposition des corps et le choix de pratiquer une inhumation simple, collective ou multiple relève de la tradition mais également d’une stratégie sociale. Les regroupements collectifs sont plus problématiques. Les conceptions religieuses ne semblent pas corroborer ces pratiques, mais elles révèlent une hiérarchie sociale segmentée, mettant au centre certains individus plutôt que d’autres. Loin des pratiques spectaculaires des Tombes Royales, les inhumations collectives sont pratiquées à Umm el-Marra : ces exemples montreraient que ce sont des pratiques liées à une catégorie sociale spécifique. Nous avons souligné dans un chapitre précédent, les discussions sur les « morts d’accompagnements » : il est reconnu que les pratiques sont associées à un personnage de haut rang, et dans lesquelles sont intrinsèquement mêlées une reconnaissance sociale et des croyances religieuses1304. Les pratiques sont distinctes entre Umm el-Marra et Ur : est-ce à dire que le statut des individus est différent ? Cette pratique serait un moyen de renforcer le pouvoir1305 : dans le cas d’Umm el-Marra cette constatation est en effet plausible si l’on considère le statut émergent politique et économique de la ville dans la micro-région. La question de l’identité peut être posée pour les sépultures multiples ; elles sont sans doute basées sur les liens familiaux et sociaux. Mais tous les individus du même groupe sont-ils inhumés, ou s’opère-t-il un choix ? Il n’est pas possible d’affirmer non plus que les individus appartiennent au même groupe. Bien que les sépultures à plusieurs individus (multiples ou collectives) ne soient pas spécifiques aux sépultures de prestige, on observe une tendance aux regroupements d’individus : Jerablus-Tahtani, Tell Banat, Tell Ahmar, Tell Bi’a. Ces regroupements sont surtout localisés dans la région nord-syrienne ; ils s’organisent différemment en Mésopotamie pour des sépultures plus modestes (Kish) ou en ossuaires (Kheit Qasim).

Les gestes rituels pratiqués lors des cérémonies funèbres attestent toute l’attention portée aux défunts, mais surtout l’importance dans les croyances de réaliser ces rituels pour les participants. La nécessité étant à la fois d’assurer au défunt une place dans le Monde des Enfers, et surtout de renforcer l’idéologie du pouvoir en affirmant la continuité. Les cérémonies ne seraient qu’une mise en scène de propagande : la disposition des corps, leur relation entre eux, et le matériel qui leur est associé, sont interprétés par Cohen comme un acte de fête auquel prennent part les personnels mettant en scène les individus1306.

Notes
1304.

Albert, Duday, Midant Reynes 2000 : 12, 13.

1305.

Xella 1972 ; Parker Pearson 2002 : 17-19.

1306.

Cohen 2005 : 150.