IIIème Partie : Étude du matériel funéraire

Le matériel funéraire est le troisième facteur permettant l’évaluation du statut social des individus inhumés dans les sépultures. Cela correspond à la large quantité d’objets qui ont été retrouvés dans la sépulture ; il s’agit du mobilier, c’est-à-dire lit les tables, les coffres par exemple, mais aussi la vaisselle, les objets personnels, dont les armes et la bijouterie.

L’analyse typologique du mobilier des sépultures de notre corpus est l’étape préliminaire indispensable pour déterminer les contextes culturels, comparer les styles et les origines possibles soit locales soit exogènes, puis dans un dernier temps, tenter de quantifier chaque provenance afin de distinguer la notion de prestige qui nous semble liée à l’importation de produits dits de « luxe ».

Le mobilier, quelque en soit la richesse, est un indicateur social et un témoin matériel de cérémonies pratiquées lors des funérailles. Le premier point, concernant les indicateurs sociaux, a été débattu dans l’archéologie processuelle : la quantité et la qualité du matériel sont les traits principaux marquant l’identité sociale et la social personae du mort d’après Binford. Nous avons retenu ces facteurs dans la définition de la tombe de prestige tout en y apportant une nuance. La quantité d’objets est significative dans l’étude funéraire, bien qu’il faille tenir compte des aléas dû aux réutilisations des tombes sur plusieurs périodes, ou des pillages subis dès l’antiquité. Un nombre, même restreint, d’objets que nous considérons comme de qualité énotent d’un rang social prestigieux ; il est nécessaire, dans ce cas, de mettre en corrélation d’autres facteurs, tels que le type architectural de la tombe et la localisation sur le site. Le choix de déposer seulement un objet de « luxe » souligne la volonté des individus proches du défunt ou appartenant au corps social élargi de marquer matériellement un statut distinct, ou d’inscrire l’objet, ce qu’il symbolise, dans une dialectique idéologique.

La qualité des objets, que l’on définit souvent comme des objets « de luxe », est le facteur le plus évident du caractère prestigieux de la tombe ; surtout lorsque cela s’accompagne d’une quantité non négligeable. La recherche de produits nouveaux et luxueux implique une volonté sociale que nous avons soulignée, également un choix politique et idéologique, et surtout économique. Nous reviendrons sur les réseaux économiques et les relations entre les régions productrices et consommatrices.

Nous souhaitons insister sur un point, qui, à notre connaissance, a été très peu abordé par les courants respectivement cités supra, concerne les assemblages matériels. La composition des ensembles funéraires, en corrélation avec la qualité respective des objets, est un axe de notre étude du mobilier funéraire. Il semblait, en effet, pertinent d’insister sur les associations de matériel, de souligner dans quelle mesure celles-ci pouvaient être significatives d’un point vu de la symbolique sociale, et d’un point de vue cultuel. L’approche symbolique du matériel est une orientation nouvelle de notre sujet, car nous sommes convaincus que les objets sont intégrés dans des actions sociales et des représentations sociales symboliques : l’ensemble des actions (des rituels) qui peuvent nous échapper, représente les relations individuelles, hiérarchiques exacerbées durant les funérailles et les manipulations auxquelles sont également soumis ces relations. Car c’est ainsi que nous abordons le symbolisme du matériel funéraire en tant que représentations symboliques des actions et des relations sociales qui sont transformées, maintenues, manipulées. Parmi ces représentations, apparaissent le don et l’échange symbolique de biens de luxe dans un but de maintenir des liens entre les individus mais aussi de créer de nouvelles (inter)dépendances avec les divinités ou les royautés. Les activités cérémonielles, les rites funéraires sont les arènes des représentations symboliques se manifestant à nous par les ensembles de vaisselle en pierre, et en métal ou plus couramment en céramique. Nous avons, par ailleurs, mis en évidence les différentes utilisations des récipients, distinguées au travers du matériau utilisé ; la préciosité du vase a une portée tout autant symbolique et complémentaire au geste pour lequel il est utilisé. Nous voulons souligner, dans la dimension symbolique de l’objet et des gestes dont il témoigne, la place et les signes éventuels dont l’objet est le support, les actions et des échanges symboliques que les individus ont voulus mettre en évidence car ils étaient importants et signifiants dans le contexte.

Les trois chapitres se divisent selon les trois catégories de matériel identifiées : les objets, la vaisselle en métal et en pierre, la céramique. Les objets sont séparés en trois sections : les armes et outils, les ornements personnels et les objets divers. La position du mobilier dans la tombe, et la relation au corps du défunt, sont des axes de recherche qui peuvent apporter des éléments interprétatifs : certains auteurs, Müller-Karpe ou Winter, ont insisté sur cette approche des dépôts, de la vaisselle en particulier, dans la sépulture. Cette approche nous semble primordiale pour s’interroger sur la signification du dépôt et proposer des hypothèses d’interprétation du geste, rituel ou non, et de sa portée symbolique.

Notre préoccupation, concernant le mobilier funéraire, est d’analyser la fonction des dépôts comme les témoins de rituels, et leur signification symbolique (liée aux matériaux, aux représentations figurées ou à leur possible utilisation). Ces remarques seront développées dans un dernier chapitre. Nous nous sommes interrogées sur la valeur économique des objets, et la valeur symbolique qui pouvait leur être associée. Les objets sont sujets à des manipulations idéologiques de la part des élites ; leur sens est multiple selon les orientations politiques de celles-ci.