4. Synthèse

L’étude des ornements personnels dans les tombes du corpus permet de mettre en évidence un premier état de leur répartition : les bijoux sont plus répandus que les coiffures1692 ; seuls les assemblages les plus complexes sont composés de coiffures et de parures. Les coiffures les plus recherchées sont concentrées dans le Cimetière Royal et les Tombes Royales ; des couronnes, des diadèmes, des rubans et des anneaux à cheveux sont retrouvés sur les individus principaux (tombe 800) et sur des corps d’accompagnants (tombe 1237). Il semble que les associations entre les ornements ne suivent pas de règles strictes, mais il est possible de procéder à des distinctions sociales entre les individus suivant la présence ou l’absence des objets. Dans certaines tombes individuelles contemporaines des Tombes Royales, les corps sont parés de coiffures similaires à celles des individus royaux : c’est le cas des tombes 1068, 1130 et 1133. Les coiffures plus simples apparaissent à Jerablus-Tahtani, Umm el-Marra et Mari : les bandeaux et les anneaux à cheveux sont les principales composantes. Ceux-ci se retrouvent dans le Cimetière Royal ; par contre, le ruban, que des femmes portent sur des représentations figurées est présent uniquement à Ur. Il ne peut s’agir du contexte géographique puisqu’il n’est pas mentionné à Kish, ni à Mari ; il est possible que ces fines bandes de métal n’ont pas résisté au temps ou ont été volées.

Ainsi qu’il a été souligné supra les plus grandes variétés des bijoux s’accompagnent de coiffures : dans sept cas les amulettes, les pendentifs, les bagues et les épingles sont associés aux bandeaux ou aux boucles à cheveux. Les épingles sont communes dans la parure des défunts car elles sont utilitaires avant d’être ornementales.

Les ornements personnels accompagnent les individus masculins et féminins. La présence de bijoux et de coiffures orienta souvent l’identification d’une sépulture comme féminine, alors que les armes et peu ou pas de parures étaient associées aux sépultures masculines. Les hommes portent aussi des bijoux : les individus d’Umm el-Marra sont parés de torques (tombe 1, niveau 2) ; des boucles d’oreilles, des anneaux à cheveux à l’unité (Ur) et des ceintures sont retrouvés auprès des corps d’hommes. Les bijoux se différencient dans la façon de les porter et dans les formes des objets : dans le cas d’Ur les ceintures sont en pierres et métal pour les femmes, seulement en métal pour les hommes. Le bandeau est une coiffure portée indifféremment par les hommes et les femmes (Ur, Umm el-Marra) ; les couronnes, les rubans sont spécifiquement féminins, alors que le brîm serait masculin. En outre, les parures sont un indice sur les différences sociales existantes dans les sociétés ; ces différences s’expriment au travers de symboles différents. À Umm el-Marra, les fouilleurs avaient tout d’abord distingués socialement les individus masculins, aux parures modestes en argent, aux femmes plus richement pourvues, pour revenir ensuite sur cette hypothèse. Il est pourtant délicat de supposer que les femmes de l’élite portent l’ensemble des symboles sociaux et de la richesse de leur groupe et de leur famille, alors que les hommes sont réduits être accompagné de leurs outils de fonction (armes). À Ur, ce sont également les femmes qui arborent les parures les plus nombreuses, plus elles ont un rang élevé plus la combinaison et la richesse des parures augmentent ; ainsi les couronnes, les diadèmes et les bagues sont des parures dénotant la richesse. Les diadèmes sont des insignes royaux pour Woolley et ils ne sont portés que par des femmes1693. Pour les bagues, par exemple, le niveau d’élaboration de l’objet dépend de la richesse de l’individu, ainsi que du nombre en sa possession. Pourtant, certains hommes sont richement parés : le corps de la tombe 1422 porte plusieurs colliers et bracelets, une boucle d’oreille, des bandeaux ; auprès de lui sont déposés d’autres bijoux1694. Le jeune garçon de la tombe 1133 du DA III porte des ornements dont un diadème et quatre brîms 1695 . Lorsque plusieurs parures apparaissent il s’agit d’un même objet. Les tombes d’hommes sont donc moins pourvues en bijoux ou en coiffures ; dans deux tombes masculines, riches en matériel funéraire (tombes 755, 1312), des parures typiquement féminines ont été déposées auprès des individus et non sur eux. Il s’agit d’offrandes qui ne sont pas destinées à être portées par le défunt.

Quant aux matériaux utilisés pour les ornements personnels, l’argent, l’or et le cuivre sont les métaux les plus utilisés ; les pierres fines associées aux métaux précieux composent les bracelets, les colliers1696. La variété des matériaux est une volonté esthétique privilégiant l’alliance de couleurs vives (or, orangée, bleu profond), le choix est sans doute guidé également par la symbolique complexe des matières et des couleurs dont il ne faut pas négliger l’importance. Le statut de l’individu s’exprime dans les matériaux et dans la quantité d’objets dans ces matières déposées dans les tombes. Les matières les plus recherchées et les plus lointaines sont investies dans ces parures ; certaines influences étrangères se manifestent dans ces objets. Ces influences permettent de circonscrire des aires de relations privilégiées : Tell Banat ainsi qu’Umm el-Marra sont tournés vers l’Anatolie et la Méditerranée Orientale ; certains paraphernaux tels que les diadèmes ou les ornements à spirales sont diffusés dans l’ensemble de l’Orient de l’Est à l’Ouest. La présence de parures exogènes ou d’inspiration étrangère montre l’importance de concentrer des objets « de luxe » dans les tombes des élites.

Le bijou et la parure ont une dimension symbolique, tout autant que l’arme, dans les dépôts funéraires. Les bijoux sont des objets de la vie courante, ils ont leur place auprès du mort. Ils jouent également un rôle dans la détermination sexuelle et sociale des individus dans la société et le groupe social auquel ils sont issus. Il difficile de préciser dans l’état de nos connaissances la dimension symbolique des parures et des coiffures détaillées supra, elle nous semble particulièrement présente mais elle est certainement complexe. En outre, certaines parures ont une fonction funéraire, c’est-à-dire qu’elles sont destinées à parer le mort dans une ultime fonction sociale, la cérémonie funéraire, ainsi elles servent à la représentation du mort. La présence de parures plus nombreuses dans les tombes de femme sert probablement dans l’image du groupe et de la femme dans celui-ci.

Notes
1692.

Annexe 4-Abiii, graphique 12.

1693.

Woolley 1934 : 242.

1694.

Woolley 1934 : 184-187, fig.58.

1695.

Woolley 1934 : 167, pl. 133.

1696.

Annexe 4-Abiii, graphique 11.