B. La fonction et les parallèles

1. La fonction

L’hypothèse que certaines formes aient pu être utilisées pour contenir des fards, ou des parfums a été retenue par Casanova pour les formes spécifiques, auxquelles, dans certains cas sont associées des épingles, dont une seule est présente dans les Tombes Royales (B3, jarre à panse globulaire et base annulaire)1785. Des vases présentent des traces noirâtres et de pigments1786. Il est possible que la boîte à quatre compartiments ait pu être utilisée à cet effet ; cet objet est retrouvé dans une tombe identifiée comme féminine1787. Selon Casanova, il est impossible que les vases aient contenu des liquides du fait de leur composition minérale, trop poreuse. Cependant, l’huile, liquide précieux, a pu être conditionné dans des jarres en pierre ; les récipients mentionnés dans les textes n’ont pu être reliés à des formes connues. L’huile est utilisée dans les temples pour des offrandes, et également dans des rituels funéraires : dans les textes, elle employée lors de la préparation du corps, et des pots d’huile sont déposés dans les tombes mais il n’est malheureusement pas précisé leur matière1788.

Parmi les types particuliers du Cimetière d’Ur, les coupes deltoïdes (il sera détaillé pour les coupes en métal) appartiennent à une catégorie de formes dont l’utilisation est rituelle, tout comme les « tables d’offrandes. La fonction de ces tables n’est pas clairement déterminée, elles sont apparentées à des « autels » ou des « tables » représentées dans l’iconographie1789.

La fonction des vases en pierre serait donc symbolique ; elle est le support de dédicace aux divinités (Gilgameš) et aux rois. Lamberg-Karlovsky suggére que la vaisselle en chlorite utilisée dans des temples et le funéraire à une haute valeur symbolique, et elle est associée à des rituels liés à la mort :

‘« It is suggested (…) that this elite class of artefact associated with temples and funerary contexts has a highly charged symbolic content pertaining to religious attitudes of death and burial. »1790

Cette proposition peut être illustrée par le répertoire iconographique de la vaisselle décorée, parmi lequel le thème du serpent est très répandu en Mésopotamie, en Iran et dans les régions du Golfe1791. Le serpent représente le Monde d’En Bas et les divinités chtoniennes. Ce thème n’apparaît pas dans les tombes du Cimetière d’Ur.

L’hypothèse de l’utilisation des récipients en pierre dans les rituels liés à la mort et aux funérailles est particulièrement intéressante, elle met en évidence la valeur symbolique et la valeur de prestige dans les pratiques liées à des personnages importants.

Notes
1785.

Casanova 1991 : 80-82 ; Amiet 1977 : 99 ; Crawford 1973 : 237.

1786.

Woolley 1934 : tombe 55, 148-149. Lamberg-Karlovsky mentionne des restes de substances vertes durcies non identifiées dans des récipients retrouvés dans des sépultures de Shaddad (Lamberg-Karlovsky 1988 : 53). À notre connaissance aucune analyse n’a été menée pour identifier d’éventuelles traces organiques dans les récipients en pierre.

1787.

Zettler 1998 : 152, n°122 ; Hansen, Dales 1962 : 79-80.

1788.

Cf. annexe 1-Ac, e, DP 75 (III v.3),K.7856+K.6323. Lerouxel 2002 : 439-440. Le texte A.2761 cite l’offrande funéraire d’un vase kisihhum et de l’huile de cyprès à valeur cultuelle ; le texte Tell Asmar, 1931 T263 évoque un présent d’huile. Glassner (1991 : 135) mentionne dans les extraits de rituel au temple d’Anu, d’Uruk, un vase en albâtre contenant du lait.

1789.

Cf. supra pp. 253-254. Parrot 1962 : 165-167, figure 11. Dans le registre supérieur d’un panneau représentant une scène rituelle, deux officiants pratiquent une libation, entre eux est placée une « table ».

1790.

Lamberg-Karlovsky 1988 : 55.

1791.

Lamberg-Karlovsky 1988 : 53 ; Perrot 2003 : 97-113. En outre, des découvertes récentes ont démontrées la présence d’un culte du serpent dans les régions du Golfe antique.