A. Les armes et les ornements personnels

1. Les armes

Nous avons pu constater que les armes sont placées à proximité immédiate du corps, quand elles ne sont pas sur celui-ci ; dans plusieurs cas, l’armement se disperse dans la chambre funéraire. Ce dépôt intentionnel peut suggérer qu’il ne s’agit pas d’armes personnelles comme celles qui accompagnent le cadavre ; l’interprétation de ces paraphernaux dépend de la nature du dépôt (du type d’arme) et des individus auxquels ils sont associés (âge, sexe).

Les pointes de lances accompagnant les deux jeunes adultes de Qara Quzac sont déposées au-dessus de la tête. Il n’est pas possible d’évoquer une hypothèse sur le choix de ce type d’armes, s’il existe une relation avec le statut des individus : de jeune âge, mais de sexes différents, le même type d’arme est déposé. Par contre, dans la tombe 1 d’Umm el-Marra, le poignard et la tête de lance en bronze sont disposés à proximité du corps (hanche et pieds) de l’individu B, identifié comme masculin. Celui-ci est paré simplement, il ne possède qu’une épingle en bronze. Quant à l’individu C, il est moins richement paré que les deux corps de sexe féminin (A, B) du niveau supérieur qui ne possèdent pas d’armes. L’hypothèse des fouilleurs d’une distinction sexuelle et sociale a été citée supra ; la possession d’une arme est la marque d’un statut spécifique aux hommes, pas forcément d’une fonction sociale inférieure2013. Par contre, la lance de type anatolien de la tombe 6 est disposée dans la chambre, sans aucune relation avec un individu.

À Tell Bi’a, dans la chambre 6, l’individu est le seul à posséder des armes. Cette distinction serait l’indication d’un statut social élevé, peut-être de l’appartenance à une « aristocratie guerrière » ou, la revendication d’un pouvoir dont la possession d’une hache serait l’attribut.

Dans le cercueil de la tombe 755, l’individu est paré de façon militaire : le casque a été retrouvé derrière la tête, mais il était sans doute porté ; un poignard est placé à la taille. Les armes les plus proches du corps sont la hache double, située au niveau de la nuque et la hache en electrum, devant la tête. Selon Woolley : « they were not worn, but had been place has an offering »2014. Le matériau utilisé et le type d’arme suggèrent que ce sont des armes de parade : c’est une des hypothèses couramment avancée. L’ensemble de ces ornements laisse à penser que ce sont des armes de communication : l’individu Meskalamdug est présenté en tant que chef militaire. L’interrogation reste entière quant à savoir s’il s’agit d’un rôle assuré de son vivant ou, au contraire, si l’image du mort est manipulée et il est présenté en héros guerrier. Cette dernière hypothèse est renforcée par les différents regroupements d’armes à l’extérieur du cercueil, dans la fosse : « there was a certain order in their arrangement, but it seemed to be dictated rather by the value of the objects than by any ritual consideration. »2015. À la tête du cercueil, deux haches en bronze sont associées à des vaisselles en or, electrum et argent (dont une aiguière), et en pierre ; aux pieds du cercueil, deux haches et des lances sont dispersées sur le sol. Sur le côté, sont disposés cinq poignards, dont le plus bel exemplaire est en or et argent (U.10020, 10001, 10022)2016. Des lances sont plantées contre la paroi de la fosse. Ce sont surtout des haches et des poignards qui sont réunis dans la fosse, dont des armes luxueuses qui n’ont pas dû servir. Ainsi, les offrandes de la tombe 755 forment un ensemble d’offrandes de communication manipulant l’image du mort et le présentant dans un rôle social, politique et idéologique puissant.

Les armes en contact avec le mort ont un sens précis en tant que signe social. Dans la tombe individuelle de l’enfant 1133, le sceptre en or est déposé dans le cercueil, à proximité du corps. Cet objet, signifiant d’une position et d’un statut élevés, manifeste l’appartenance sociale du jeune garçon. Les enfants sont donc traités avec des insignes sociaux d’adultes : c’est le cas de la « petite princesse » dans la tombe 1068. Ils ne sont pas traités selon leur âge, mais selon leur milieu social et leur sexe. Pour les individus adultes, le sexe n’implique pas l’absence d’armes : des paraphernaux militaires sont déposés dans les tombes adultes féminines (tombes 800, 1130). Dans la tombe de la reine Pu’abi, par exemple, l’arme est déposée dans la chambre2017. Dans la tombe 1130, la hache est à l’extérieur du cercueil, contre la paroi de la fosse, parmi d’autres objets dont une lyre, de la vaisselle en métal (type 101)2018. Une distinction apparaît, les haches ne sont pas directement associées à l’individu.

L’association des armes telles que la hache et le poignard a été soulignée supra comme un signe de prestige. La hache apparaît sans conteste comme un symbole de pouvoir, dont la valeur symbolique et sociale est signifiante pour certains des individus, appartenant à l’aristocratie d’Ur, inhumés dans des tombes individuelles (tombes 755, 1130 par exemple) ; Watkins, nous l’avons précédemment souligné, évoque la référence à une « aristocratie ». Pour les individus de statut « royaux » la présence de ce type d’arme dans les sépultures n’est pas aussi significative2019.

Notes
2013.

Schwartz et alii 2003 : 333-334 ; Schwartz et alii 2006 : 631-631.

2014.

Woolley 1934 : 156.

2015.

Woolley 1934 : 158.

2016.

Woolley 1934 : 157, fig. 35, 158, pl.152-154, 155, 156.

2017.

Cf. suprap. 275.

2018.

Cf. suprapp. 189, 284.

2019.

Cf. suprapp. 284, 292-293.