II. Les objets funéraires : axes d’interprétation

A. Le prestige de l’objet

Le concept de « prestige » défini en introduction insiste sur l’acquisition et le contrôle de la circulation des matières premières et des matières précieuses, dès le IVème millénaire, au profit des élites, dans le but de satisfaire leurs besoins ostentatoires2043. La concentration en un lieu, rendu inaccessible dans certains cas, de matériaux précieux et d’objets luxueux incite à s’interroger sur la valeur de l’objet : tout d’abord dans la relation de l’objet avec l’individu, est-il un objet personnel ? Est-il la marque du statut de l’individu, de son appartenance à un groupe ? Puis, dans le rapport de la société à la matérialité de l’objet : on a évoqué supra l’hypothèse de la thésaurisation d’armes et de bijoux en tant que lingots métalliques ayant donc une « valeur » marchande.

La notion de « valeur » est donc polysémique, elle renferme un sens économique, idéologique et social : c’est une notion subjective qui qualifie le désir d’un groupe à s’approprier un matériau ou un objet. Autant que la valeur proprement économique des objets, la valeur idéologique semble déterminante dans les hypothèses d’interprétations des offrandes funéraires2044. La valeur idéologique d’un objet indique ce qu’il représente symboliquement pour les individus d’un groupe ou d’une société, autant par rapport à des croyances qu’à des statuts sociaux. L’exemple des pierres fines est significatif : les pierres, tel le lapis-lazuli, circulent avant le IVème millénaire en Orient ; leur aire de distribution s’élargit, mais elles ne deviendraient importantes quantitativement qu’à la fin du IIIème millénaire2045. Les pierres fines constituent, dès le début du IIIème millénaire, une part importante des matériaux retrouvés dans les sépultures de prestige, ainsi que les objets en métaux précieux, en quantité variable. La provenance lointaine, la difficulté d’approvisionnement sont des éléments qui déterminent la valeur de la matière première et de l’objet exotique ; les matériaux précieux et les objets de « luxe » sont directement gérés par les élites, qui organisent l’approvisionnement et en régulent la distribution. Ainsi, les élites s’approprient ces symboles matériels pour les intégrer dans leurs représentations idéologiques2046. La possession de ces objets est, à la fois, la valorisation du statut de l’individu et une distinction statutaire montrant que celui-ci appartient au groupe contrôlant les échanges et ayant accès aux produits « exotiques »2047. Nous verrons par ailleurs que la mythologie justifie la valeur symbolique attribuée aux matériaux, en leur attribuant des bienfaits et des sources divines.

D’autre part, certains paraphernaux, tels que les coiffures, les armes, sont des marqueurs pour les élites, des signes de reconnaissance entre les royautés et les élites, qui les intègrent dans un réseau d’échanges supra régional concernant la Mésopotamie, la Syrie du Nord et des régions limitrophes du Proche-Orient (Anatolie, Indus)2048. Les paraphernaux sont signes de communication idéologiques et sociaux.

Les échanges établissent des relations entre les régions concernées, en premier lieu économiques, également politiques voire diplomatiques. Avec ces échanges, des traits culturels (symboles) se diffusent que nous avons constatés et tenté d’identifier.

Notes
2043.

Warburton 2003 : 128 ; Forest 1999 : 261.

2044.

Parker Pearson 1982a.

2045.

Warburton 2003 : 121.

2046.

Discussion sur la valeur des biens dans Appaduraï 1988b, voir 30-41.

2047.

Schwartz et alii 2006 : 623.

2048.

Schwartz et alii 2006 : 629.