3. La qualification des objets : offrandes, dépôts, objets de communication

La distinction entre la valeur intrinsèque et la valeur extrinsèque des objets, nous conduit à préciser les différentes fonctions funéraires du matériel dans les tombes de prestige. Nous avons évoqué, tout d’abord, la thésaurisation de matières précieuses reposant sur la quantité et la valeur d’échange des objets déposés auprès du mort, et d’autre part, le sens symbolique attribué aux objets, par la matière ou la forme. La définition des dépôts funéraires et des offrandes s’inscrit dans la dialectique funéraire. Testart évoque des « politiques funéraires »2258. L’auteur ne prend en compte que les dépôts funéraires, car selon lui, dans le cas où ce n’est pas tranché, il n’est pas question de parler « d’offrande ». La définition de l’offrande désigne ce que l’on offre à quelqu’un, encore faut-il identifier le destinataire. Dans le contexte en présence, nous avons des offrandes. Enfin, nous avons établi la présence d’objets de communication.

Deux types d’objets sont qualifiés de « dépôts » : les « anneaux » et, sans doute, les haches, qui représentent des quantités calibrées de métal. Le dépôt de forme monétaire est lié à une politique ostentatoire des proches du mort, qui se traduit également dans les rites commensaux. La pratique des dépôts ostentatoires est un investissement économique, et politique, tout autant que l’investissement dans l’architecture. Le fait que ces dépôts soient soigneusement consignés dans les archives montre qu’ils font partie des dépenses du palais et des funérailles du souverain ; d’autre part, ces dépenses sont récupérables2259.

Les offrandes, par définition, sont des dons. Dans les tombes 755 et 1332 d’Ur, les parures féminines regroupées auprès des cadavres sont considérées comme des offrandes pour une divinité, désignée par des inscriptions. La qualification d’offrande est justifiée. Il apparaît, d’autre part, dans la littérature archéologique, que les carcasses animales sont désignées comme des « offrandes » (végétales dans certains cas), tout en prenant en compte qu’il s’agit de portions consommables par le mort. Néanmoins, si nous considérons ces dépôts en tant qu’offrandes, plusieurs destinataires sont identifiés : nous avons montré que des portions sont laissées pour les morts et les divinités de la part des vivants.

La reconnaissance du ou des destinataires des objets permettrait d’identifier des offrandes. Des auteurs ont orienté la réflexion sur une économie des offrandes entrant dans une économie parallèle de la mort2260. La dépense en « offrande » est également ostentatoire, mais elle rentre dans des échanges symboliques qui peuvent unir les individus vivants aux entités divines et au mort (contrairement aux dépôts, dont l’utilité est économique). Des catégories d’objets rentrent dans les offrandes, aussi bien matérielles (bijoux, vaisselles) que périssables.

Cette dernière catégorie rassemble à la fois les paraphernaux et la vaisselle. La vaisselle en métal et en pierre, déposée dans la tombe, est rituelle. La quantité ostentatoire de vaisselle en métal utilisée lors des banquets a pour fonction de « communiquer » sur la richesse du groupe.

L’exemple le plus significatif pour les parures est la fabrication de parures pour les funérailles, telles que les riches couronnes des reines d’Ur. La fabrication de pièces spéciales pour les enfants du Cimetière Royal apporte une preuve supplémentaire de la nécessité de prouver le statut social du cadavre et celui du groupe, quel que soit l’âge. Les pièces de vaisselle pourraient être également fabriquées pour l’occasion des funérailles. Les armes sont des objets de communication importants dans l’identification du statut de l’individu, homme ou femme. La hache est particulièrement importante ; l’arme-kattapum, non identifiée à ce jour, tient une place privilégiée dans les relations entre les élites. L’échange d’armes permet d’entretenir les liens politiques entre les souverains et de reconnaître mutuellement leur pouvoir.

Les différents types de dépôts définis semblent finalement les mêmes nous sommes dans une dialectique de prestige. Ces dépôts sont destinés à une consommation perceptible par le groupe, s’ils diminuent l’héritage des héritiers temporairement ces derniers y gagnent en prestige2261.

Notes
2258.

Testart 2004c.

2259.

Cf. supra p. 415.

2260.

Cf. suprap. 416, Frankestein, Rowland in Parker Pearson 1984 : 71.

2261.

Testart 2004c : 306.