2-Be. Lugal-e, ou Ninurta et les Pierres

[2-Be. Lugal-e, ou Ninurta et les Pierres2315]

Les passages sont tirés de Bottéro. Le Lugal-e est une longue œuvre de 729 lignes. Le texte possède un style vigoureux et héroïque décrivant la lutte avec l’Est et le Nord-Est pour les richesses convoitées : les pierres. Les passages retenus sont : la victoire de Ninurta sur les contrées rebelles (vers 299- 410), puis le destin assigné aux pierres.

Historique

/…/

C’est ainsi que le champion accomplit son dessein !

Alors respira soulagé le Seigneur Ninurta, fils d’Enlil.

300 : Dans la Montagne, où le jour déclinait,

Utu le complimenta.

Puis le seigneur lava Baudrier et Matraque,

Et nettoya son arme de son sang ;

Il épongea la sueur de son front, puis réclama très haut

Le cadavre de l’Asakku,

Et, quand il en eut fait comme une épave roulée par les flots,

305 : les dieux ( ?) du pays le vinrent trouver,

Et, tels des onagres épuisés, tombèrent à ses pieds :

Pour célébrer la glorieuse prouesse ( ?) du seigneur,

Ninurta, fils d’Enlil, ils le saluèrent d’applaudissements !

De (toute) sa hauteur, Šarur lui adressa alors cet éloge :

310 : « Seigneur ! Majestueux arbre-mes poussé en champs irrigué, qui donc t’égalera, ô champion

Nul ne s’est jamais rencontré d’aussi parfait, d’aussi digne que toi, mon Souverain, de s’asseoir sur le trône,

Dorénavant, personne en la Montagne, n’osera plus se rebeller contre toi :

Tu n’auras qu’un seul cri à pousser ( ?) pour l’abattre.

[…] comme l’on te célèbre !

315 : Ô dévastatrice tempête levée sur la contrée rebelle […]

Ô seigneur Ninurta […]

(Coupure de sept lignes)

Et lorsque, en la contrée rebelle, il eut sarclé comme joncs et arraché comme roseaux l’Asakku,

325 : Le seigneur Ninurta […] sa Matraque (en disant) :

« Tel […] : désormais on t’appellera plus Asakku, mais « Pierre »

- une pierre dont le nom propre sera zalaqu,

Au sein de quoi se trouvera l’enfer

330 : et dont la vaillance reviendra au seigneur ( ?). »

Quant à son arme, mise au repos en un coin, voici comme il l’a bénit :

« Bataille suprême victorieuse pour le pays !

Averse qui s’abat sur les ennemis ! » : Tel est le nom sous lequel elle sera célébrée en la Montagne !

Or en ce temps là l’eau vivificatrice ne sortait pas encore du sol,

335 : mais, transformée en glace accumulée, elle ravinait, en fondant les montagnes.

/…/

(348) : Il entreprit de réaliser des merveilles !

En la Montagne, il amoncela donc les pierres,

350 : Et, il déployant ses bras

Tel un nuage épais qui traverse le ciel,

Il verrouilla le front du pays, comme d’une altière muraille :

Au bout de l’horizon, il installa un barrage.

Avec l’habileté la plus grande,

Il endigua pareillement toutes les villes,

Bloquant de parois en rochers les eaux puissantes :

355 : Désormais elles ne monteraient plus

Du plat pays sur les hauteurs !

Il rassembla ce qui se trouvait dispersé :

Les eaux disséminées en lacs, dans la Montagne,

Il les mêla toutes ensemble, les abouchant au Tigre,

Pour arroser, en inondations printanières, la terre arable.

360 : Dès lors, le contenu entier de l’Univers,

Sous la coupe du roi du pays, jusqu’aux bouts de la terre,

Jouirait des bienfaits du Seigneur Ninurta

Ninmah devient Ninhursag 

/…/

395 : Tel est ton destin arrêté par moi,  Ninurta :

Ainsi en sera-t-il !

Aussi, dorénavant, te dira-t-on toujours « Dame des Monts » !

De ces montagnes, les vallonnements

Te produiront des herbes aromatiques ;

Les franges te fourniront du vin et du miel ;

Les pentes te feront croître

Cèdres, cyprès, genévrier et buis !

400 : Tel un jardin, ce territoire

Te procurera de beaux fruits mûrs ;

Et, sur ces hauteurs, il y aura pour toi

Abondance de parfums divins.

Pour toi l’on extraira de l’argent et de l’or ;

L’on y fera […] ;

L’on y fondra le cuivre et l’étain

Qu’on t’apportera en tribut ;

On y multipliera le bétail

405 : Et t’y seront fournis de prolifiques quadrupèdes !

Reine égalée d’An,

Et dotée, comme lui, d’Un effroi redoutable,

Déesse auguste (dingir. Mah), qui n’aimes guère les bavardages ;

Noble femme, dame des Monts (nin.hursag), lieu pur (ki.sikil)

Dame de l’enfantement (nin.tu), pou […],

Approche, ô souveraine, et que l’on te célèbre,

Car je t’octroie ces augustes pouvoirs ! »

Ninurta arrête le destin des pierres

X.

416 : Et le seigneur de s’adresser à la Pierre-Ú

Pour définir la nature.

D’une vois irritée, il l’apostropha du pays

Et prononça contre elle la malédiction que voici :

« Pierre-Ú, tu t’es rebellée contre moi, en la Montagne,

420 : tu as voulu m’immobiliser, me barre le chemin,

Tu as juré de me mettre à mort,

Tu as prétendu m’effrayer, moi le seigneur Ninurta,

Sur mon auguste trône

Eh bien ! En dépit de ta robustesse, ô grand gaillard,

Ta stature sera réduite :

De redoutables personnages fiers de leur force te pulvériseront

425 : Des athlètes se serviront de toi en leurs compétitions !

Pierre-Ú, jeune gaillard, tes frères te réduiront en poudre,

Pour te faire sévir à postérité même

Et en triturer les cadavres !

Malgré tes cris ; jeune gaillard, tu finiras concassé :

/… /

431 : Aussi vrai que je suis le seigneur,

Puisque tu travailleras et poliras la cornaline (na4.gug),

Tu en prendras le nom (na4.gug. buru) !

C’est pourquoi, en vertu du destin arrêté par Ninurta,

Ce sera désormais au moyen de la Pierre-Ú

Q’on percera la cornaline (na4.gug)!”

/.../

XI.

Puis mon roi se tourna vers la Diorite

Et […], s’exprimant avec solennité, du fond du cœur,

465 : Ninurta, fils d’Enlil, en prononça la bénédiction que voici :

« Diorite, ton armée a changé de camp en cours de bataille :

Tu t’es dissipée ( ?) devant moi, comme un gros brouillard,

Sans commettre de violence, sans se jeter sur moi !

‘’ Foin de mensonge ! (disais-tu) :

Le seul champion, c’est le seigneur !

470 : Qui donc peut t’égaler, Ninurta, fils d’Enlil ?’’

Eh bien ! On ira te chercher jusqu’au plus haut de la Montagne

Et l’on te transportera céans depuis les massifs de Magan !

Et toi qui t’ailles comme cuir le cuivre le plus résistant,

Tu me conviendras à souhait,

À moi, le Seigneur, et à ma bravoure !

475 : Lorsqu’un roi, à jamais célèbre,

Voudra faire tailler de toi des statues éternelles,

Afin de les ériger là où se font les libations,

Dans ce béat sanctuaire de mon Eninnu,

Tu seras tout à fait à ta place ! »

/…/

XII.

Puis le champion se tourna vers l’Albâtre,

Et Ninurta, fils d’Enlil, en prononça la bénédiction que voici :

515 : « Albâtre, dont la matière brille comme le jour !

Argent raffiné ! Jeune gaillard voué au palais !

Puisque tout seul tu as tendu les mains vers moi,

Et que, tout en haut de la Montagne,

Tu t’es prosterné devant moi,

Si bien que je n’ai pas abattu sur toi ma Matraque

Et ne t’ai pas montré la force de mon bras

520 : Toi, ô vaillant guerrier, qui, sur mon appel,

T’es mis à mon service-

Eh bien ! Sois célébré en bonne part !

Aie la haute main sur les entrepôts du pays,

Sois-en l’administrateur !

Les Annuna, les grands-dieux, sois-en l’éclaireur !

Et sois dévolu à leurs temples, ô albâtre ! »

/…/

(531) : Puis mon roi se tourna vers l’Agate,

Apostrophant aussi la Calcédoine, la Cornaline, la Lazulite,

Le Jaspe, le Saba, le Hurisụ, le Marhali, la Cornaline-jaune,

L’œil de poisson, le Grenat, l’Anzugulme, la Serpentine,

535 : Et, en faveur de ces […]

Ninurta, fils d’Enlil, prononça la bénédiction que voici :

« Mâles et femelles, chacun à sa manière, devant moi,

Sans reproche vous m’avez soutenu.

Spontanément vous m’avez exalté en public !-

540 : Eh bien ! Moi, en pleine Assemblée, je vous exalterai !

Devant le Conseil-de-guerre ( ?)

Vous avez joué un rôle déterminant en ma faveur ( ?)-

Eh bien ! […] vous serez préférés au miel et au vin !

On vous sertira toutes de métal précieux,

Et celui qui détient l’amirauté entre les dieux

445 : fera se prosterner devant vous, nez à terre,

Vos montagnes natales ! »

Notes
2315.

Bottéro 1989 : 339-368.