4-Abiii. Les bijoux

Les bijoux qui apparaissent comme une constante dans le matériel funéraire sont les bracelets, les colliers et les anneaux. La totalité des bracelets et des colliers n’est pas recensée, car se composant d’assemblages de perles et de coquillages, ils ne sont pas retrouvés intacts. La quantité de perles retrouvée dans les tombes témoignerait néanmoins d’un grand nombre de parures. Ce sont des parures personnelles qui entrent naturellement dans le dépôt funéraire ; dans les tombes modestes que le cadavre est le plus souvent paré d’au moins un collier et d’un bracelet. Le collier est la première parure déposée sur le corps dans les pratiques funéraires dès la Préhistoire. Les « anneaux » ne sont sans doute pas des parures ; considérés comme des anneaux de pieds ou des bracelets, ils n’ont pas un diamètre correspondant aux parties anatomiques2319. Ils sont identifiés à des « lingots » de métal, ayant une valeur d’échange correspond à leur poids, au même titre que certaines armes2320. La tombe est donc une réserve ou une cachette de métal et de valeur.

Les amulettes et les pendentifs sont également courants sur la majorité des sites, en quantité variable et souvent faible (un seul exemplaire à Umm el-Marra pour sept tombes). L’amulette est très peu répandue malgré sa valeur prophylactique. Le torque et le pectoral sont identifiés par un ou deux exemplaires dans les sépultures ; ils sont présents à Umm el-Marra, Jerablus-Tahtani et Ur, mais ils semblent appartenir à une tradition plus située à l’Est et au Nord, c’est-à-dire la Syrie et l’Anatolie. Un parallèle de torque torsadé a été signalé pour Umm el-Marra provenant de Göltepe (figure 37)2321. Il est surprenant de constater que les boucles d’oreilles sont très peu répandues dans le corpus du matériel funéraire. Pourtant, comme pour les rubans supra, les femmes représentées dans l’iconographie sont parées de boucles d’oreilles. Le Cimetière Royal est le seul ensemble à présenter une typologie variée de boucles d’oreilles ; ces boucles s’inscrivent pourtant dans une tradition que l’on retrouve à Tell Brak avec plusieurs exemplaires de ces objets, à Assur également, et plus largement dans le monde oriental antique avec des parallèles en Anatolie, à Troie, en Egée par exemple2322. Par ailleurs, certains individus sont accompagnés d’un anneau. Il semble que les femmes portent une paire de boucles d’oreilles tandis que les hommes ne sont parés que d’une boucle. La catégorie « autres » comptabilise les parures n’apparaissant que dans le Cimetière Royal, elle représente les « colliers de chien » enserrant le cou et composés de pièces triangulaires en lapis-lazuli et en or.

Graphique 10- Répartition des ornements personnels
Graphique 10- Répartition des ornements personnels

Enfin, les matières utilisées pour réaliser les bijoux ainsi que les associations multiples entre les matériaux sont illustrées dans le graphique 11. Ces compositions peuvent être comparées avec le graphique 9 supra pour les coiffures.

Concernant les métaux, l’or, l’argent et le cuivre sont majoritairement employés pour les anneaux, des torques, des bracelets, des bagues et les boucles d’oreilles. Nous avons constaté que les boucles d’oreilles sont en or et en argent : est-ce à corréler avec la provenance unique du Cimetière d’Ur ? Par ailleurs, le bronze est peu employé. Les amulettes et les pendentifs sont en métal (or et argent), seuls ou dans des compositions avec des pierres fines, et d’autres matières telles que l’ivoire et la coquille. La nacre est également utilisée pour les anneaux et les bagues (Tell Bi’a). Les associations du métal avec les pierres fines sont très prisées pour les colliers et les bracelets. Comme dans les coiffures (graphique 9), le lapis-lazuli, la cornaline sont très utilisés avec l’or ou l’argent, parfois avec le cuivre (qui possède le même éclat doré que l’or) ; l’agate est utilisée à partir de la période akkadienne, puis sous le règne de la Dynastie d’Ur III, ce qui explique que cette pierre n’apparaisse pas auparavant sur les graphiques 8 et 9.

Les assemblages de matières et de couleurs sont très prisés dans la confection de la bijouterie. Des associations simples à une ou deux matières, on peut passer à plusieurs matériaux selon la richesse et l’effet esthétique souhaité. Les bijoux d’Ur sont souvent fabriqués pour les périodes anciennes (DA III) avec du lapis-lazuli et de la cornaline. Les deux couleurs sont très appréciées lorsqu’elles sont relevées de l’aspect noble de l’or.

Graphique 11- Répartition des matériaux dans les ornements personnels
Graphique 11- Répartition des matériaux dans les ornements personnels

Pour conclure, la répartition des coiffures et des bijoux dans les matériels funéraires des sites en question est très inégale. Les bijoux font parti des objets personnels du mort et sont naturellement déposés auprès de lui. L’histogramme 12 ci-dessous illustre la prédominance des ornements personnels, en particulier des épingles et les parures de cou (pectoraux, pendentifs). Dans certains cas parfaitement identifiés, comme les tombes privées d’Ur 755 et 1332, des offrandes de bijoux de femme accompagnent le mort. Les hommes, comme les femmes, portent des bijoux dans la tradition orientale antique, il n’est donc pas surprenant de découvrir des ornements dans les tombes masculines ; les mêmes types de bijoux sont cependant portés différemment par les hommes et les femmes (les boucles d’oreilles par exemple). Les hommes portent des parures spécifiques comme les brîms. Ces parures de tête apparaissent uniquement à Ur.

Le graphique 12 souligne que les coiffures ne sont pas répandues dans l’ornement du défunt. Quelques ornements de tête très simples sont déposés en peu d’exemplaires dans les tombes de Mari, d’Umm el-Marra, de Jerablus-Tahtani ou de Tell Bi’a. La difficulté soulignée dans l’étude est d’établir si deux traditions distinctes sont identifiées ; nous avons sans doute un manque de données concernant les coiffures, puisque certaines ont pu être confectionnées en matières végétales et ne pas nous parvenir. Il n’en reste pas moins que Ur constitue une exception dans les coiffures dans la limite de nos données actuelles.

Graphique 12- Histogramme comparatif entre les bijoux et les coiffures
Graphique 12- Histogramme comparatif entre les bijoux et les coiffures
Notes
2319.

Cf. supra annexe 1-Af, AMR XXV 539.

2320.

Cf. pp. 301-302, volume 1.

2321.

Yener 2001.

2322.

Cf. pp. 302-304, volume 1.