Les troupes françaises prirent le contrôle d’Alger le 5 juillet 1830. Elles ont établi leur autorité progressivement sur un territoire décrit par A. Benachenhou comme suit : « Dans l’Algérie pré-coloniale, les moyens de production sont la terre et les instruments de travail du sol dans les compagnes ; les moyens de production urbains sont constitués par les instruments artisanaux, les ateliers publics, quelques moyens de production dans les manufactures ».8 La structure économique et sociale algérienne pré-coloniale n’était, à l’aube de la colonisation, « ni plus pauvre, ni plus divisée, ni moins industrialisée que l’Espagne ou l’Italie » 9 . Elle était constituée d’un secteur artisanal essentiellement développé dans les villes et dans les régions montagneuses, comme la Kabylie où les terres sont accidentées, et d’un secteur agricole, développé autour des plaines à dimensions remarquables telles que la Mitidja d’Alger, Hamza de Bouira, etc. En ce sens, il n’est pas étonnant que les premières actions coloniales se soient orientées vers une appropriation des terres agricoles. Nous reviendrons en détail sur ce point dans les pages qui suivent.
La pénétration du capitalisme en Algérie s’est effectuée à travers la dissolution du système économique communautaire développé sous la domination turque. Ce bouleversement a engendré une économie duale composée d’un secteur moderne et productif, géré par et au profit de la population européenne, et un secteur traditionnel et agricole - dit de subsistance - utilisant des moyens rudimentaires et dont l’essentiel de la production servait à la consommation domestique. En effet, les études consacrées aux divers aspects de l’économie coloniale sont, à quelques exceptions près, unanimes pour souligner que l’économie coloniale était avant tout au service de la métropole et de la minorité européenne vivant en Algérie. Le dualisme et l’extraversion constituent les traits fondamentaux des différentes politiques économiques adoptées par les autorités coloniales. Ces politiques étaient caractérisées par une faiblesse des investissements industriels, la coexistence de deux secteurs agricoles reposant sur des logiques totalement différentes, et une dépendance accrue et multiple (commerciale et financière) de l’Algérie vis-à-vis de la métropole.
Il serait trop long de restituer les différentes phases de ce processus de destruction du mode de production précoloniale et son remplacement par ce que l’on appelle l’économie coloniale. Nous tenterons seulement de détecter les éléments de rupture, et éventuellement de continuité, de cette économie coloniale avec l’économie de l’Algérie désormais indépendante depuis 1962. Il sera juste question d’une présentation sommaire des grandes caractéristiques de l’économie coloniale. Nous aborderons les différentes politiques sectorielles menées pendant la colonisation, ainsi que leurs principaux résultats.
A. Benachenhou, Formation du sous-développement en Algérie, essai sur les limites du développement du capitalisme 1930-1962, OPU, Alger 1976, p. 28.
H. Benissad, Economie du développement de l’Algérie, sous-développement et socialisme, OPU, Alger 1982, p. 7.