1.1. La sous-industrialisation de l’Algérie coloniale

Avant de rappeler les principales phases que la politique industrielle « algérienne » a connue durant la période coloniale, il est sans doute utile de souligner que le qualificatif de sous-industrialisation est utilisé sciemment car l’Algérie coloniale n’était pas non industrialisée. La colonisation française en Algérie ne pouvait en effet pas se passer du secteur industriel local pour au moins deux causes principales.

La première est relative aux besoins sans cesse importants de la métropole en matières premières à cause de la révolution industrielle qui rendait impératif l’exploitation des matières premières qui sont en partie minière. Cette exploitation nécessitait une infrastructure relativement importante tant dans les entreprises exploitantes elles-mêmes, que pour l’acheminement de leurs produits vers la métropole. Dès lors, il y a eu l’exploitation des mines comme celle du fer à El-Ouenza, ainsi que le développement des ports et d’un réseau de transport important, notamment des chemins de fer.

La seconde réside dans la nature de la colonisation qui s’est vite transformée en colonisation de peuplement. La généralisation de l’installation des Européens dans les centres urbains – contrairement au premiers temps de la colonisation ou l’essentiel de l’effort était concentré sur l’appropriation des terres agricoles- a entraîné une forte demande en construction. Ainsi, l’Algérie coloniale a vu naître et se développer une importante industrie liée à la construction, comme les briqueteries, cimenteries et faïenceries, ainsi que de nombreuses manufactures suscitées par une demande solvable.

Cependant, cette industrialisation était faible, si l’on prend en considération d’une part, sa place par rapport aux autres secteurs tels que l’agriculture, d’autre part, la nature des industries mises en place. En effet, plusieurs indices montrent que la participation de l’industrie était minime dans la production nationale, avec une faiblesse marquée des industries de transformation. La part de ces dernières dans le PIB ne représentait en 1955 que 0,14 % sur les 26 % que constituait la part de l’industrie dans le PIB : « A l’aube de l’indépendance, note H. Benissad, la composition de la production est encore dominée par l’agriculture et les services qui représentent 73% de la production globale » 10 .

Cette faiblesse du secteur industriel en général, et celle des industries de transformation en particulier, est un résultat direct de la perception métropolitaine de ses « départements d’Algérie ». Influencée par l’ordre colonial, la métropole ne concevait sa politique économique envers son « territoire outre- méditerranéen  » que du point de vue de ses intérêts immédiats et ceux des colons. Ainsi, jusqu'en 1958, date de lancement du « plan de Constantine », il n’est pas exagéré de parler d’absence de politique industrielle de la France en Algérie. Cette dernière se réduisait en effet, à des investissements et actions disparates, en fonction des besoins de la métropole et/ ou sous la pression des «  poussées » nationalistes sans aucune stratégie à moyen et à long terme.

Notes
10.

H. Benissad, Economie du développement de l’Algérie, Op.cit. p16.