1.1.1.La politique industrielle d’avant la guerre de libération nationale

Nous allons présenter l’essentiel des politiques industrielles entamées durant la décennie qui a précédé le déclenchement de la guerre de libération.

En dépit du fait que l’intégration politique et économique de « l’Algérie française » gagnait en crédit au sein de la doctrine officielle de la France, notamment après l’arrivée au pouvoir du Front Populaire en 1936, les premières mesures économiques fortes en faveur de l’industrie en Algérie ne sont apparues qu’après la seconde guerre mondiale. Ainsi, en 1946, le gouvernement général décida, pour la première fois, d’accorder la priorité à l’industrie dans le cadre de sa politique économique.

Dans ce sens, plusieurs mesures d’encouragement de l’industrialisation de l’Algérie ont été prises. Il a été décidé d’une part, d’octroyer aux entreprises industrielles françaises qui acceptaient de s’installer sur le territoire algérien des prêts publics à long terme et à faible taux d’intérêt, et, d’autre part, d’accorder d’importantes détaxations fiscales des investissements industriels. L’objectif de ces mesures était de « corriger » le déséquilibre flagrant des structures de l’économie coloniale algérienne au détriment de l’industrie.

Cependant, ces mesures demeuraient sans impact réel sur le terrain, pour au moins deux raisons. D’une part, la demande locale était faible. D’autre part, la directive générale de la direction des finances du gouvernement général du 09 juillet 1946 entravait la concurrence.

Au terme de cette directive, seules les entreprises françaises s’installant en Algérie étaient concernées par les mesures d’aides publiques citées plus haut. Résultat, comme le souligne D. Clerc : « les seules entreprises qui pouvaient s’installer en Algérie étaient soit des petites entreprises ayant une production réduite ou réservée aux européens, soit des industries destinées à l’exportation vers la France, ce qui n’est possible que s’il n’existait pas des entreprises similaires installées en métropole » 11 .

En analysant plus profondément les effets de cette mesure, l’auteur souligne : «  D’une part, en faisant appel à des entreprises françaises, on se condamnait à ne voir s’installer que des entreprises n’entrant pas en concurrence avec les maisons-mères de la métropole. Aussi, la dépendance subsistait, et le principe du pacte colonial (complémentarité des économies, mais non-concurrence) n’était pas remis en cause. D’autre part, les bénéfices, s’il y en avait eu, loin de concourir à l’accumulation du capital algérien, serait repartis  en direction de la maison-mère, à titre de dividendes : l’industrialisation n’aurait pas entraîné un développement cumulatif » 12 .

C’est sur ce fond d’échec de l’entreprise de modernisation du territoire algérien par l’industrie que s'est déclenché la guerre de libération en 1954, opposant une majeure partie du peuple algérien regroupée autour du FLN à la France coloniale.

La politique du « tout sécuritaire » adoptée durant les premières années de la guerre ayant échoué, les réformes économiques devaient suivre pour « isoler » le FLN en le coupant de ses soutiens populaires. Les réformes des années 1955-1956, et surtout le « plan de Constantine », s'inscrivaient dans cette perspective. Or, avant d’aborder les différentes mesures prises dans le cadre de ces réformes, nous présenterons l’état des lieux de l’industrie algérienne durant le milieu des années 1950. Autrement dit, un bilan succinct des résultats des différentes actions menées dans les années 1940. C’est en partant de ce bilan, en effet, que furent conçus les différents plans de développement qui ont suivi, notamment le « plan de Constantine ».

Notes
11.

D. Clerc, Economie de l’Algérie, Ministère de l’intérieur Alger 1975, p. 15.

12.

Idem, Op.cit. p. 16.