1.1.2 La faible industrialisation de l’Algérie coloniale

Les travaux qui ont servi de base à l’élaboration du « plan de Constantine », publiés dans un document intitulé  « Les perspectives décennales du développement économiques et sociales de l’Algérie », comportent un bilan chiffré qui rendait compte clairement de la situation économique et sociale de l’Algérie des années 195013. En ce qui concerne l’industrie, ce bilan montrait la place peu importante occupée par le secteur industriel au sein de l’économie coloniale. Le « plan de Constantine » a été conçu pour remédier à cette situation jugée en partie comme la cause principale de la révolte des Algériens et leur forte adhésion au projet indépendantiste véhiculé par les partis nationalistes, comme le PPA avant le déclenchement de l’insurrection armée de 1954, ou le FLN par la suite.

En effet, quel que soit l’indice auquel on va se référer, on se rendra aussitôt compte du déséquilibre de l’économie coloniale en défaveur de l’industrie. À la suite de D. Clerc, nous utiliserons trois indicateurs afin d’illustrer l’état de fait susmentionné. Ces indicateurs sont : la part de l’industrie dans l’emploi, la part de l’industrie dans la PIB, enfin le montant des investissements industriels dans la Formation Brute du Capital Fixe.14

En termes de création d’emploi, l’industrie restait parmi les secteurs les moins créateurs. La majeure partie de la population active était occupée dans l’agriculture. Jusqu’à 1956, moins de 10 % de la population vivant en Algérie (Européens et Algériens confondus) était occupée dans l’industrie. En effet, sur les 3,6 millions que représentait la population active en Algérie, la part de ceux qui occupaient un emploi dans l’industrie ne dépassai pas selon, les estimations les plus optimistes, 9,7 %. Pis, ce pourcentage a baissé considérablement, si l’on prend en considération uniquement la population dite musulmane (entre 6,7 % et 7,3 %, selon les sources), soit quelque 200 000 personnes vivant de l’industrie. Cette faible part de l’emploi industriel dans l’emploi total est révélatrice de la faiblesse du secteur industriel en Algérie sous la colonisation.

Autre indice, la part de l’industrie dans la PIB. Le tableau ci-après montre en effet clairement que la part de l’industrie rapportée à la PIB est faible.

Tableau 1.1 Structure de la PIB, en milliards d’Anciens Francs.

Source. D. Clerc, Economie de l’Algérie, Ministère de l’intérieur 1975, p. 10.

Les constats ci-dessus sur la faiblesse du secteur industriel se trouvent confirmés si l’on examine les statistiques relatives à la Formation Brut du Capital Fixe. Les tableaux suivants montrent en effet que la participation de l’investissement industriel dans la FBCF demeurait très faible de 1880 à 1955. Aussi, malgré sa légère hausse vers les années 1950, la répartition des investissements était en faveur des infrastructures et du logement, ce qui confirme les constats qui se dégagent des indices précédents.

Tableau 1.2. Rapport F.B.C.F / PIB (en milliards d’Anciens Francs).
1880 1910 1920 1930 1955
Produit Intérieur Brut 170 310 375 460 730
Investissements Bruts (F.B.C.F) 18 38 50 55 138
Rapport F.B.C.F/P.I.B 10.6% 12.2% 13.3% 11.9% 20.2%

Source. D. Clerc, Economie de l’Algérie, Ministère de l’intérieur 1975, p.13.

Tableau 1.3. Répartition des Investissements Bruts (en milliards d’Anciens Francs).
1880 1910 1920 1930 1955
Infrastructures 28 24 18 18 32
Logements urbains 17 13 16 18 14
Agriculture coloniale 50 50 52 47 18
Industries et divers 5 13 14 17 36
Total 100 100 100 100 100

Source. D. Clerc, Economie de l’Algérie, Ministère de l’intérieur 1975, p. 13

Face à ce retard en matière d’industrialisation et afin de contenir l’influence du FLN, les autorités coloniales lancèrent le « Plan de Constantine ». Ce dernier se voulait un plan de développement global brassant l’ensemble des secteurs d’activités. Nous reviendrons plus loin sur ces différents axes et ses principaux résultats. A présent, abordons la politique agricole coloniale.

Notes
13.

 Les perspectives décennales du développement économiques et sociales de l’Algérie  est un document publié en 1958. Il trace comme son intitulé l’indique les grandes lignes du plan de développement de l’Algérie sur une décennie, le plan de Constantine est une première tranche

14.

Les statistiques utilisées dans cette sous section sont de D. Clerc sauf indication contraire.