Première partie
L'économie administrée comme projet politique populiste : 1962-1988

Introduction de la première partie

Au lendemain de son indépendance en 1962, l’Algérie opte pour un modèle de développement qui se voulait en rupture avec celui hérité de la colonisation. A la régulation par le marché, l’Etat oppose un modèle politico-économique dont l’essentiel des activités sont étatiques, régies non par les lois de l’offre et de la demande mais par des directives administratives.

Ce modèle s’est matérialisé par, l’étatisation des activités économiques, la suppression de l’autonomie des agents économiques, et la centralisation extrême de l’allocation des ressources. Selon les dirigeants des années 1960, la planification centralisée et l’investissement public massif notamment dans l’industrie sont la seule voie susceptible de permettre à l’Algérie de sortir du sous-développement. En effet, du milieu des années 1960 à la fin des années 1970, l’Algérie a connu un volontarisme radical fait de nationalisations, d’investissements publics colossaux et de remise en cause radicale de tous les pouvoirs économique, monétaire, syndical, etc.

Les résultats du volontarisme comme pratique économique furent loin des objectifs proclamés. Le marché que l’Etat a combattu des années durant s’est « vengé » en dédoublant ses prix, faisant perdre aux directives administratives du planificateur toute pertinence. A la place et au lieu d’une économie industrielle et productive, l’Algérie s'est retrouvée, vers la fin des années 1970, avec une économie rentière, distributive des richesses qu’elle ne crée pas -en grande partie circulant dans le marché informel.

Cette première partie est intitulée « L a mise en place de l’économie administrée ». Elle est consacrée à l’étude de différentes actions initiées par l’Etat algérien pour la mise en place de ce que l’on a qualifié généralement de Stratégie algérienne du développement (S.A.D), ainsi qu’a ces principaux résultats. Elle est composée de trois chapitres.

Le premier chapitre (le second dans le texte) vise à détecter les principales manifestations du volontarisme qui a inspiré les pratiques économiques de l’Etat algérien durant les décennies 1960 et 1970. Il sera question d’une présentation des différents actions initiées par l’Etat algérien afin de rendre effective la stratégie de développement qu’il s’est donné pour mission de mettre en œuvre, quelque en soit le prix. Nous allons étudier les différentes politiques publiques par secteurs d’activités, les variables administratives de régulation sur lesquelles s’appuyait l’Etat pour combattre le marché et enfin l’importance des investissements étatiques et la place de la rente pétrolière dans le modèle algérien de développement.

Nous découvrirons, à travers le troisième chapitre, les différentes contradictions auxquelles à donné naissance l’économie administrée. Nous commencerons par établir un bilan chiffré de la S.A.D, pour analyser ensuite l’origine de ce décalage important entre les objectifs proclamés par l’Etat et les résultats économiques qu’il obtint. Seront traitées respectivement les causes du déficit des entreprises publiques, le lien entre ce déficit et l’inflation, l’émergence de l’économie parallèle et le développement de la corruption, enfin l’articulation « originale » entre le secteur public et le secteur privé en Algérie et leur exposition – en l’absence d’un espace public protecteur- aux multiples prédations et ingérences extra-économiques du personnel politique occupant une position dans l’Etat.

Le quatrième chapitre traitera des premières tentatives- toujours inspirées par le projet populiste de l’Etat- de sauver le système d’économie administrée. En effet, les premiers réaménagements de l’économie algérienne opérés au début des années 1980 visaient plus à donner un nouveau souffle au système étatiste qu’à le réformer réellement.