De par sa nature, la variable prix est la pierre angulaire de tout système économique. Elle est un outil fondamental d'information pour les agents économiques car elle structure le reste des variables telles que les salaires et les profits à travers ses trois principales fonctions qui sont : l’allocation des ressources, la circulation des marchandises, enfin la répartition du revenu. Ces trois fonctions, intervenant aux différents moments du cycle de la reproduction, donne au modèle économique sa cohérence et sa logique d’ensemble. Le système de fixation de prix reflète la philosophie de l'organisation économique dans sa globalité.
Conformément à l'option de développement choisie par l’Etat algérien, les prix des biens et des services étaient fixés par décision administrative. Le contrôle des prix et leur blocage dans le cadre de « la politique nationale des prix » était une option fondamentale dans le modèle mis en place. Ce dernier, comme on l’a souligné auparavant, exprimait une volonté politique de geler les mécanismes de régulation par le marché. Cette volonté est exprimée clairement dans les différents textes idéologiques de l’époque. Pour ne citer qu’un seul exemple, celui de la Charte nationale de 1976 qui recommandait explicitement au pouvoir politique de manipuler les prix. Elle stipulait que : « la politique de prix, intégrée à l’action de planification de l’économie, constitue un instrument pour l’organisation des rapports entre les différents secteurs de l’activité nationale, représente un moyen de répartition du revenu national et permet de lutter contre les phénomènes inflationnistes et d’assurer la sauvegarde du pouvoir d’achat des masses populaires ». A ce propos L. Addi parle de « vision « politique » du système de prix » 63 .
Dans sa volonté de « contourner » le mécanisme de formation des prix par le marché, l’Etat algérien avait fait recours à plusieurs techniques en fonction de la conjoncture et de la nature des produits. Ainsi, la première phase de la politique algérienne du contrôle des prix, appliquée au début des années 1960, s’est limitée aux prix de quelques biens non agricoles et des produits de large consommation importés.
La seconde étape, qui coïncidait avec le lancement des plans de développement de la S.A.D, était plus sévère. Elle manifestait la volonté d’intervention étatique à tous les niveaux de formation des prix de l’ensemble des produits. Pour atteindre cet objectif le planificateur avait instauré un certain nombre de régimes en fonction de la nature des produits : le régime de prix fixes, celui des prix spéciaux, les prix stabilisés et enfin les autres prix.
Le régime des prix fixes concernait les produits de première nécessité qualifiés de « stratégiques » car ils sont destinés à une large consommation. La gamme des produits relevant du cadre du régime des prix fixes concerne les produits céréaliers, le café, le sucre … Les prix étaient fixés par décret.
Les prix spéciaux sont appliqués pour une période déterminée sur des produits jugés nécessaires pour assurer l’avenir des activités à intérêt social et économique tels que les engrais pour l’agriculture. Ce sont généralement des produits subventionnés. Le régime des prix stabilisés concerne les biens qui contribuaient directement à la réalisation des programmes de développement tels que les matériaux de construction.
Le reste des produits et services non concernés par les régimes précédents sont placés en vertu de l’ordonnance 75/37 sous contrôle par plafonnement administratif de la marge bénéficiaire du commerçant64. Par ailleurs, afin d’assurer l’application de tous ces régimes, l’Etat avait procédé à la création d’un institut national des prix. Cette farouche volonté des pouvoirs publics à contrôler le système de prix trouvait son origine dans la conception globale, par l’Etat, des lois de la production et de la répartition.
L. Addi, L’Impasse du populisme… Op.cit. p. 224.
Pour une étude détaillée des différents régimes de fixation de prix en Algérie, voir H. Benissad, Algérie : restructurations et réformes économiques (1979-1993). OPU, Alger 1994, pp. 66- 67.