5. Le cadre monétaire : Le pouvoir monétaire « fait du prince »

L’analyse des conceptions et politiques monétaires de l’Etat algérien permet de révéler, plus que tout autre étude, l’expression du volontarisme qui motivait les pratiques étatiques du développement, et les contradictions auxquelles il a donné naissance. A telle enseigne que le système productif national s’est retrouvé - quelques années seulement après le lancement de la S.A.D- face à un déficit comptable structurel, rendant inévitable sa dépendance de la rente pétrolière jusqu'à nos jours. La raison en est que le processus de développement a été mené principalement en termes de grandeurs physiques reléguant les phénomènes monétaires et financiers au second plan.

Cette prédominance de la planification en quantité, et la subordination induite de la monnaie ont produit une dichotomie entre la circulation monétaire et le mouvement des actifs réels. L’évolution séparée de l’expansion monétaire et sa contrepartie en biens et services, a plongé l’économie entière dans un processus inflationniste qui a écumé le pouvoir d’achat des couches sociales défavorisées tout en renforçant le transfert des richesses vers le secteur privé. Deux résultats en contradiction totale avec les objectifs que l’Etat s’était fixé à travers la mise en place de la S.A.D, à savoir, la justice sociale et l’industrialisation par le secteur public.

Cette situation n’était possible que parce que l’Etat avait, dès les premières années de l’indépendance, mis fin aux limites institutionnelles qui sauvegardaient la valeur de l’unité monétaire. La mise en cause de ces limites a eu lieu à travers la mise sous l’autorité politique du pouvoir monétaire. Dès 1964, en effet, la Banque Centrale d’Algérie perdait totalement son autonomie au profit de l’exécutif.

Ces deux phénomènes qui sont en réalité concomitants -à savoir  l’injection massive de la monnaie pour répondre aux besoins de financement des investissements planifiés et la subordination du pouvoir monétaire à l’autorité politique- expriment parfaitement le volontarisme de l’Etat algérien sur le plan monétaire.

Après la présentation de l’histoire de la BCA et ses relations institutionnelles avec l’autorité politique, nous traiterons des pratiques monétaires de l’Etat algérien, à travers l’étude de la politique monétaire et du rôle du Trésor dans le financement des investissements planifiés. L’objectif est de comprendre comment de fil en aiguille, l’Etat a pu s’approprier le pouvoir monétaire et surtout détecter l’usage qu’il en a fait.