5.2 La remise en cause de l’indépendance de la Banque Centrale d’Algérie et ses conséquences

A peine trois années après sa création, la Banque Centrale d’Algérie perdait totalement son autonomie au profit de l’autorité politique. Elle ne devint qu’un appendice de l’exécutif représenté par la Présidence et le ministère des Finances. Ainsi, c’est toutes les relations entre les entreprises publiques et les banques primaires, entre ces dernières et la BCA, et enfin, entre la BCA et le pouvoir politique, qui se sont trouvées totalement bouleversées.

En effet, la loi de finance complémentaire du 8 avril 1965 stipule que : « Sont abrogées les dispositions relatives au mode de réalisation et aux limites de pourcentage et de durée prévues à l’article 53 de l’annexe à la loi n° 62-144 du 13/13/1962 ; ce mode de réalisation et ces limites seront désormais déterminés par le Président de la République, Président du Conseil, le Conseil des ministres entendu ». Désormais, le président de la République disposait des pleins pouvoirs pour décider du volume de la monnaie à injecter dans l’économie. Ce qui signifie la fin des limites institutionnelles qui s’imposaient au Trésor Public, et à travers lui, au pouvoir politique en termes d’émission monétaire. Cette loi de finance signait le déclin total de l’autonomie de la BCA90. S’amorçait alors la pratique du recours systématique à la planche à billets pour financer les besoins de l’industrialisation intensive de l’économie. Ainsi, c’est au niveau de la deuxième fonction de la BCE (banque d’Etat) que ses prérogatives se sont confondues avec celles de l’Etat. La relation entre ces deux institutions s’est étroitement amalgamée, gangrénant les missions de chacune, créant par la suite un accroissement de la masse monétaire qui a enclenché toute une série de perturbations monétaires dont les conséquences ont marqué durablement le système économique algérien.

Une simple lecture des statistiques du tableau suivant montre en effet que, depuis la fin des limites institutionnelles devant la création monétaire, les concours de la BCA au Trésor ont connus une évolution fulgurante d’environ 200 % entre 1963 et 1969. Cette situation est d’autant plus grave si l’on compare le taux de l’accroissement de la masse monétaire au PIB. L’évolution de ce dernier étant de loin inférieure à celle de la masse monétaire, s’enclenchaient ainsi des tendances inflationnistes qui allèrent en s’accentuant avec la mise en place des différents plans à partir de 1971. Cette spirale inflationniste s'est aggravée encore durant toute la période de la planification, notamment à partir de la réforme financière de 1971 qui consacra la remise en cause totale du rôle et du statut de la Banque Centrale, des banques commerciales et du principe même de la politique monétaire.

Tableau 2.11. Evolution de masse monétaire et des concours de la BCA au Trésor.

Source. Construit par nos soins à partir de données extraites de A. NAAS, Le Système bancaire algérien… Op.cit. pp. 21-30.

Notes
90.

Signalons que le conseil d’administration de la BCA n’a même pas été renouvelé lorsqu’il est arrivé à échéance.Ainsi, l’Exécutif, par le biais du ministère des Finances et de l’Organe de planification, s’est substitué au conseil d’administration de la BCA, démontrant une fois le peu d’intérêt accordé par les pouvoirs publics au rôle de la BCA en tant qu’autorité monétaire.