5.3. La politique monétaire dans le cadre de la S.A.D : le Trésor principal agent de financement de l’économie

Le début du « dérapage » monétaire, constaté plus haut, s’est accentué après la « réforme » de 1971 consacrant le rôle secondaire de la BCA devant la prédominance du Trésor Public dans les circuits de financement. En effet, malgré la mise en place des différentes banques, la charge du financement de l’économie supportée directement par le système bancaire restait faible, faisant du Trésor le véritable intermédiaire financier du pays. Le système bancaire s'est transformé de facto en simple circuit de transfert des ressources financières (caisses transitoires) et ce, en assurant la distribution automatique de crédits aux entreprises publiques.

La réforme de 1971 mettait en avant le nouveau mode de gestion de l’économie et de son financement. Ce mode de gestion consistait à mettre en place un plan en terme physique et de lui adapter un plan de financement. Il s’agissait de centraliser les ressourcespour les répartirensuite, via le système bancaire, sur les différentes entreprises du secteur public. C’était la règle principale du fonctionnement de l’économie centralisée et distributive. De ce mode de gestion découlait un certain nombre de principes qui ont eu des conséquences lourdes sur le système bancaire, la monnaie et la politique monétaire. Ces principes étaient :

  • la centralisation des ressources financières : c’est le Trésor public qui est chargé de cette collecte comme le stipule l’article 6 de l’ordonnance n° 70-9391
  • le circuit des ressources pour financer les investissements doit transiter par les banques et ces dernières sont « (re) finançables » automatiquement auprès de la BCA.
  • la domiciliation obligatoire de chacune des entreprises publiques auprès d’une seule banque; c’est le principe de l’unicité de domiciliation ou de spécialisation des banques comme le stipule l’article 18 de la loi de finances de 1970. 

En d’autres termes, les mécanismes de financement de l’économie doivent répondre aux prorogatives du Plan. Pour ce faire, Les entreprises se voyaient interdire tout autofinancement de leur activité. Les projets de développement devaient obligatoirement être financés par voie de crédit. Ainsi, la réforme imposait a chaque entreprise publique de domicilier ses comptes auprès d’une banque spécialisée dans le même secteur. Les crédits à long terme étaient octroyés par le Trésor, agissant par l'intermédiaire de la Caisse Algérienne de Développement (devenue BAD, en 1972). Quant au crédit à court et moyen terme, il était octroyé par les différentes banques selon le secteur de production. La Banque Centrale n’intervenait que lorsque les ressources du Trésor étaient insuffisantes. Se fondant sur le principe de l’allocation centralisée des ressources du financement, le modèle de planification qui prévalait à l’époque a confiné les banques essentiellement dans un rôle de caisse.

Ainsi, après avoir supprimé la contrainte relative aux avances de la BCA au Trésor (loi de finances complémentaires pour 1965), la loi de finance de 1971 permettait aux banques de se refinancer de droit, auprès de la Banque Centrale qui enclenchait sa fameuse planche à billets. L’autonomie de la Banque Centrale vis-à-vis des banques primaires et du Trésor étant complètement annihilée, la BCA est devenue « la vache à lait monétaire ». Ainsi, ce ne sont pas uniquement les relations entre la BCA et l’autorité politique qui ont changé mais aussi celles liant la Banque Centrale et les banques primaires, et ces dernières à l’économie réelle.

Notes
91.

Ordonnance n° 70-93 du 31/12/1970.