Conclusion

Le volontarisme économique exprimé par l’Etat algérien durant les années 1970 est fondé sur une conception « politico-juridique » faisant de la négation du caractère objectif et nécessaire des lois de l’économie politique présidant à la formation des prix et des revenus, un fondement de la doctrine économique de l’Etat. Il exprimait une croyance selon laquelle, il était possible de développer une économie à l’abri du marché et de la division internationale du travail par l’étatisation des sources de richesses, la manipulation administrative des variables de régulation (prix, salaires, taux de change…) et le protectionnisme.

Ce volontarisme était justifié, dans le discours officiel, par l’urgence et la nécessité de mettre en place une stratégie de développement capable de compléter, en la consolidant, l’indépendance politique du pays. Cette stratégie était la concrétisation d’un développement qui se voulait étatique, industriel, centralisé et autoritaire.

Dans la pratique, le volontarisme économique s’est matérialisé par la mise en place d’une économie administrée, fondée sur le transfert des sources de richesses de la société civile vers l’Etat. Cette soumission, par acte de la puissance publique, de la société économique à l’Etat, s’est manifestée à travers la mise sous tutelle administrative des activités et des agents économiques (publics ou privés), un investissement public colossal dans tous les secteurs d’activité, notamment l’industrie, l’instauration d’un monopole absolu de l’Etat sur le commerce extérieur, et enfin un pouvoir monétaire « fait du prince ». Cela signifie que l’expérience algérienne du développement a été une tentative de création volontaire d’un système économique qui rejetait la logique des échanges sanctionnés par la loi de la valeur résultant de la concurrence nationale et internationale, au profit d’une économie administrée et semi-autarcique fonctionnant par décisions de l’autorité politique dans la perspective de fléchir la dynamique du système de prix.

Les résultats de cette situation se sont manifestés par la segmentation de l’économie et sa fragmentation en plusieurs sphères qui ont provoqué des déséquilibres structurels profonds, empêchant l’enclenchement de toute dynamique d’accumulation. Les déficits structurels des entreprises publiques ont provoqué l’étouffement de la sphère réelle par la sphère rentière, la concentration des revenus dans le secteur privé, le développement du secteur informel, enfin la généralisation des pratiques de corruption et du clientélisme. Le prochain chapitre, qui traitera des limites de l’économie administrée, est conçu pour mettre en évidence les phénomènes cités ci-dessus.