Chapitre 3. Les limites de l’économie administrée

Le résultat du volontarisme comme pratique économique d’Etat s’est soldé par l’entrainement de l’activité économique vers de graves déséquilibres dont les conséquences vont marquer durablement l’avenir de l’économie algérienne. Les études consacrées aux résultats du modèle algérien de développement sont unanimes : la stratégie de développement n’a non seulement pas atteint ses objectifs affichés, mais elle a plongé le système économique dans des cercles vicieux empêchant l'enclenchement de toute dynamique d'accumulation.

Au delà des caractéristiques spécifiques de chaque secteur, la quasi-totalité des bilans de la Stratégie Algérienne du Développement mettent en évidence la baisse sensible et continue de la productivité du travail et celle du capital qui affectent l'économie entière. Cette situation s'est traduite, par un lourd déficit des entreprises et des firmes étatiques, et par la double dépendance de l'économie algérienne de l’étranger, tant pour son approvisionnement que pour son financement (via le marché des hydrocarbures).

Afin d’éviter l’effondrement du système et lui assurer ses « équilibres », l’Etat a systématiquement eu recours à l’injection de montants financiers de plus en plus importants, grâce au pouvoir d’achat que lui procurait la rente pétrolière. Cette situation a fini par provoquer des déséquilibres macro-financiers importants, engendrant un processus inflationniste qui a écumé le pouvoir d’achat des couches sociales défavorisées, tout en renforçant le pouvoir monétaire du secteur privé. Le secteur dit public, dont la mission était de satisfaire les besoins économiques et sociaux de la population a donc été vite marqué par un déficit lourd et structurel. Et la rente - d'origine externe – est devenue l'unique source de financement de l'Etat ! Ainsi, l'étatisation de l'économie et sa subordination à l’autorité politique a éloigné les agents économiques de leur vocation première (la création de richesses) pour en faire des acteurs passifs existants grâce à la distribution étatique de la rente.

Cette situation était synonyme d’une évolution pour le moins perverse de la S.A.D : le secteur public souffrait de déficits comptables permanents, stérilisant la rente pétrolière qu’il était sensé transformer en surplus cumulable; et le secteur privé accumulait les richesses, non pas par l’exploitation de travail mais par les opérations de spéculation établies grâce aux réseaux clientélistes de la sphère du pouvoir politique.

Le caractère pervers d’une telle situation a durablement consacré la rente comme catégorie prédominante dans la répartition, et produit des résultats à l’encontre des projections de la politique de développement Au lieu d’une économie industrielle et productive au service des couches sociales défavorisées (objectif principal de la Stratégie Algérienne du Développement), s'est installée une économie rentière et distributive ne dépendant pour son fonctionnement que du volume de la rente tiré du marché international des hydrocarbures.

Au-delà de ses effets directs sur l’appareil productif et le système monétaire, l’économie rentière et distributive favorisait les pratiques de prédation, de gaspillage des ressources, de corruption, ainsi que l'émergence d'une économie parallèle essentiellement au profit du secteur privé.

L’objet du présent chapitre est de présenter les résultats économiques les plus significatifs de la S.A.D. Ensuite d’expliquer l’enchaînement des déséquilibres générés par l’expérience algérienne d’industrialisation et le cercle vicieux auquel ces déséquilibres ont donnés naissance.