2. Les contradictions de l’économie administrée

En nous appuyant sur les résultats chiffrés présentés dans la section précédente, nous constatons qu’après une quinzaine d’années de mise en œuvre active de sa stratégie de développement, l’Algérie n’a pas réussi à se doter d’un système économique productif, c'est-à-dire organiser son économie en construisant un marché national capable de créer des richesses et de les répartir sur le corps social en fonction des lois de l’économie politique. Les secteurs économiques du pays ne produisaient pas de la Valeur Ajoutée et la rente imprégnait l’ensemble des rapports économiques et sociaux. À la fin des années 1970, l’économie algérienne, fonctionnait essentiellement grâce à la rente que procurait l’exportation des hydrocarbures. Elle était distributive des richesses qu’elle ne créait pas.

Le processus de formation d’une économie rentière et distributive en Algérie est une conséquence directe des pratiques économiques de l’Etat. Ce résultat, certes inattendu mais effectif d’une conception idéologique qui génère des pratiques économiques, a entravé les mécanismes de création des richesses et les dynamiques d’accumulation. Ainsi, la prolifération des rentes et des positions rentières qu'a produit la nature de l’articulation imposée par le régime politique entre les rapports du pouvoir ( politique, sociaux et symbolique ) et les rapports économiques, a fait de l’espace économique algérien un espace déterminé et non déterminant.

Dit autrement, l’encastrement volontaire du champ économique dans la sphère politique, concrétisé par le transfert du pouvoir économique de la société civile et sa domiciliation dans la sphère politique, a fait que le champ économique n'a pas obéit dans son fonctionnement à sa propre rationalité. L’espace économique algérien a été soumis à la logique politique du détenteur des ressources et de la décision de les affecter, en l’occurrence à l’Etat. C’était la logique du fonctionnement de l’économie à marché administré adopté par l’Etat algérien au lendemain de l’indépendance.

La crise du système économique algérien est celle d’un type d’organisation dont la rente est le rapport social dominant. Tandis que les couches sociales dont le système rentier a favorisé la domination ont développé des stratégies complexes pour capter le maximum de la rente étatique, les forces anonymes du marché que libéraient l’injection permanente de la rente, selon les mécanismes de l’économie administrée et la logique de l’Etat rentier, ont transformé en profondeur la société en aiguisant ses contradictions générant une crise profonde du lien social.

En voulant « à tout prix » construire une économie à l’abri du marché, l’Etat a provoqué un cycle infernal associant déficits d’entreprises publiques, expansion monétaire/ inflation, segmentation du marché et émergence de l’économie parallèle ; le tout couronné par la « démocratisation » des pratiques de corruption comme moyen d’enrichissement avec le rançonnement des secteurs public et privé sans distinction.