2.1 La gestion du contrechoc pétrolier de 1986 et la nouvelle nécessité de réformes

Si l’objet de l’économie politique s’est construit sur le principe de la rareté des ressources et leur affectation optimale, il est important- pour mieux comprendre les contradictions économiques de l’Etat algérien- de savoir que jusqu’au milieu des années 1980, l’Algérie n’a jamais connu de contraintes financières. Au contraire, l’aisance financière de l’Etat n’a pas cessé de se renforcer durant toute la décennie 1970 et au début des années 1980. En effet, la part de la fiscalité pétrolière dans les ressources fiscales de l’Etat a connu une progression permanente, passant de 31,5% durant la période 1970-1973 à 63,3 % en 1980, après avoir été de seulement 12% entre 1963 et 1966. Cette progression de la fiscalité pétrolière est certes l’expression de la baisse de la fiscalité ordinaire provoquée par les mauvaises performances du secteur productif, mais elle est surtout due à la hausse des recettes pétrolières de l’Etat. La nationalisation des hydrocarbures en 1971 et les deux chocs pétroliers de 1974 et 1979 ont fait progresser régulièrement les rentrées en devises de l’Etat. Dans l’esprit de la plupart des dirigeants algériens, la hausse des prix et de la manne pétrolière sont quasi-irréversibles158.

La gestion budgétaire « lâche » - déjà constatée durant la décennie 1970- s’est accentuée tout au long du plan quinquennal 1980-1984, notamment avec les injections monétaires consécutives aux restructurations organique et financière des entreprises publiques et autres politiques d’encouragement à la consommation, tel que le plan anti-pénurie lancé au début du mandat de Ch. Bendjedid. Cette situation, faite d’une sphère réelle composée d’unités de production majoritairement déficitaire et d’une sphère monétaire importante et expansive -mais sans contrepartie productive - n’était tenable que grâce à l’importance de la rente pétrolière (voir chapitre 3). C’est dire que la chute brutale des cours mondiaux des hydrocarbures survenue en 1986 a non seulement amenuisé les capacités financières de l’Etat avec tout ce que cela suppose comme impact sur l’appareil productif national, mais a mis les différentes factions composant le pouvoir d’Etat devant une situation inédite, provocant un désarroi total face à la dégradation accélérée de la situation socio-économique de la population. Examinons de près la profondeur et la diversité des conséquences immédiates du contrechoc pétrolier, ainsi que leur gestion « hasardeuse » par les pouvoirs publics.

Notes
158.

Statistiques extraits de l’ouvrage de A. Dahmani, L’Algérie à l’épreuve… Op.cit. p. 35.