3.1.1 La réorganisation du secteur agricole

Chronologiquement, le secteur agricole fut le premier touché par la nouvelle vague de réformes. Dès 1987, une loi visant la réorganisation radicale du secteur agricole et ses relations avec l’Etat était promulguée. A en croire l’un des principaux acteurs de l’équipe de réforme, en l’occurrence G. Hidouci, ce choix n’était pas fortuit. La sélection du secteur agricole comme « expérience pilote » de l’entreprise réformatrice s'imposait en raison des difficultés de réformer le statut des entreprises publiques à cause de l’ampleur des intérêts qui leurs étaient liés. Les positions du parti, de l’administration et de plusieurs gestionnaires du secteur public- à l’occasion du débat lancé en 1986 sur la possibilité de réduire le financement des entreprises publiques déficitaires- étaient en cet égard très significatives : toute remise en cause, même partielle, des relations tutélaires entre l’Etat et les entreprises était perçue comme contraire à la Constitution et aux principes socialistes.

Par ailleurs, l’application préalable de la réforme dans le secteur agricole n’était pas sans intérêt pour les réformateurs. Elle offrait un triple avantage :

Premièrement, le monde agricole et rural constituait une catégorie sociale déjà réfractaire au contrôle bureaucratique. Par conséquent elle ne pouvait que réagir positivement à une réforme qui cherchait justement à libérer l’agriculture des carcans administratifs.

Deuxièmement, une réussite dans un secteur à population pauvre aux racines rurales pouvait donner des idées au reste de la société de ce que pouvait être le changement.

Enfin, celui de réussir une opération de libération d’un secteur économique du contrôle bureaucratique, sans passer nécessairement par la privatisation qui aurait bénéficié en premier lieu aux détenteurs de capitaux qui n’étaient autre que les spéculateurs liés au personnel politique en place.

Mais malgré ces atouts, la mise en œuvre concrète de la réforme ne fut pas aisée. L’importance stratégique de l’opération de réorganisation du secteur agricole, et le poids des intérêts qui lui étaient attachés, va pousser le groupe des réformateurs à ruser  avec les différents clans du pouvoir d’Etat pour faire passer le projet de réforme en procédant par des réaménagements partiaux et par étapes. «  l’élaboration du projet de réforme de l’agriculture se prépare dans la discrétion, pour éviter qu’on le fasse avorter ; on fera croire au gouvernement, au syndicat et au parti qu’il s’agit d’aménagements techniques limités et au cabinet du président qu’on vise le transfert d’actif » 169 , témoigne G. Hidouci . Ceci dénote les difficultés à initier le moindre changement dans un système longtemps habitué à la gestion facile due à la rente pétrolière.

Les réformes envisagées furent élaborées à partir d’un constat portant sur les raisons du déficit du secteur agraire. Celles-ci résultaient essentiellement selon le cahier n° 2 de la réforme de la nature des relations qu’entretenait l’Etat avec ce secteur.

Notes
169.

G. Hidouci, Algérie, la libération inachevée…Op.cit. p. 122.