Conclusion

La décennie 1980 avait commencé sur la promesse de réformes salvatrices et se terminait dans le même sillage. Au début de la décennie, le gouvernement avait promis de corriger les « travers » de l’ancienne stratégie de développement au moyen de certains réaménagements associant à la fois un rééquilibrage au profit des secteurs insuffisamment développés (agriculture, hydraulique...) et une restructuration organique et financière des entreprises publiques. Le projet échoua et fut vite abandonné, sans bilan ni débat public sur ces effets. Ceux-ci, comme nous l'avons constaté durant ce chapitre, se sont plus manifestés sous formes de dividendes politiques que de bienfaits économiques comme le scandait le discours officiel ; elles ont permis au Président Chadli d’écarter ses opposants internes et d’asseoir durablement son règne et celui de la coalition qui s’était regroupée derrière lui.

Entre temps, la crise de 1986 éclata : d’origine externe, celle-ci frappera cependant de plein fouet l’économie nationale. Les conséquences immédiates du contrechoc pétrolier furent multiples. Elles touchaient à la fois à la stabilité économique du pays et aux équilibres au sein des différents clans composant le pouvoir d’Etat. A nouveau, le régime politique imposa des réformes économiques. Mais contrairement aux précédentes, celles-ci ont été conçues par une équipe restreinte et sans pouvoir réel, mais déterminée à rompre avec le système d’économie administrée. Ces réformes étaient, sur plusieurs points, novatrices. Cependant elles demeuraient limitées compte tenu du contexte de leur mise en œuvre.

Les mesures visant la réforme du secteur agricole, l’autonomie des entreprises publiques et la tentative d’associer le privé national au développement économique du pays étaient certes nécessaires, mais elles ne pouvaient exercer leur plein effet dans le cadre d’un modèle politico-économique fondé toujours sur le système du parti unique de l’économie centralement planifiée. A cela, s’ajoutait le manque de consensus au sommet de l’Etat sur l’opportunité et le contenu des réformes à engager. Le résultat fut un chevauchement de rôles et d’actions entre le gouvernement et l’équipe de réformes. Cette situation accentuait les effets de la crise au lieu de les atténuer. Ces contradictions ont conduit vers la crise ouverte de 1988 qui a permis d’engager l’Algérie, pour la première fois de son histoire, sur le chemin du multipartisme et officiellement dans une transition vers le marché.