Chapitre 5 : La transition avortée

Depuis le contrechoc pétrolier de 1986, la prise de conscience du danger que représentait la dépendance de l’économie algérienne de la rente énergétique s'est généralisée. Au sommet de l’Etat, l’idée des réformes économiques gagnait en crédit et en partisans. L’installation de l’équipe de réformes et les pouvoirs qui lui furent attribués en est un signe évident.

Dès 1987 en effet, l’équipe des réformateur lança un projet de réformes pour autonomiser les entreprises publiques et le secteur agricole en vue de les rentabiliser. Un projet qui était d’une portée certes limitée à cause de l’environnement économico-institutionnel fort contraignant. Mais il a néanmoins jeté les jalons du démantèlement des mécanismes rentiers de l’économie administrée.

Après les évènements d’Octobre, le projet des réformateurs - au départ limité à l’aspect strictement économique- se transforme en double transition politique et économique dont l’objectif est de rompre avec le système du parti unique et de l’économie administrée. Concrètement, cette expérience s’est traduite par une modification radicale de l’environnement politico-administratif régissant l’activité économique du pays.

Cette expérience rappelle sur plusieurs aspects la transition pacifique vers la démocratie et le marché des Pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO) après l’effondrement de l’URSS et la chute du Mur de Berlin. Comme en Europe de l’Est en effet, les réformateurs cherchaient à remettre en cause les mécanismes rentiers de l’économie administrée afin de permettre aux dynamiques d’accumulation de s’enclencher. Cependant, une puissante opposition à cette démarche s’est engagée, notamment au sein des acteurs influents du champ politique algérien. L’expérience fut nettement stoppée après la chute du gouvernement de M. Hamrouche, en juin 1991, soit 23 mois après son installation.

Deux années après la remise en cause de l’expérience des réformateurs, l’Etat algérien s’est avéré incapable d’honorer ses engagements internationaux quant aux paiements de sa dette extérieure. Conséquence : après une longue hésitation, l’Etat engagea des négociations avec les institutions financières internationales, signa en avril 1994 le premier accord pour le rééchelonnement de sa dette extérieure et accepta l’application d’un Plan d’Ajustement Structurel (P.A.S) sous l’égide du FMI. Ce sera l’objet du prochain chapitre. A présent, nous nous pencherons sur la présentation et l’analyse des différents contextes et actions ayant marquées la double transition vers la démocratie et le marché initiée par le gouvernement réformateur de M.Hamrouche au début des années 1990.