1.2.1 Le contexte politico-juridique de l’amorce de la double transition

Nous avons souligné dans le chapitre précédent que « l’équipe de réformateurs » agissait comme un « gouvernement bis » durant les dernières années du gouvernement de A. Brahimi. C’est dans ce contexte qu’elle réussit à promulguer les premiers textes juridiques instituant les réformes économiques (la réformes du secteur agricole, l’autonomie des entreprises publiques…). Mais au lendemain des évènements d’Octobre, la mission des réformateurs changea radicalement. Sollicités pour prêter main forte au gouvernement de K. Merbah, ces derniers refusèrent203 et se virent chargés par le Président Chadli d’une autre mission  : celle des réformes constitutionnelles.

De toute apparence, l’amendement constitutionnel de Novembre 1988, introduisant l’idée de maintenir le parti unique en intégrant en son sein les diverses sensibilités politiques de la société n’a pas suffi. Le message d’octobre 1988 était en partie compris au sommet de l’Etat : la population n’acceptait plus le monolithisme politique au nom de la légitimité historique, par conséquent le passage au multipartisme devenait nécessaire.

L’élaboration de la Constitution de 1989 s’est réalisée en quelques mois. Sous la direction des réformateurs, pour le compte du Président, mais en cercle élargi à la société civile et militaire. L’équipe de réformes travaillant contre le gré du Premier ministre K. Merbah, s’élargit à plusieurs segments de la société. Elle réunissait sous sa houlette des juristes, des universitaires, des directeurs de journaux et des représentants de l’armée. Cette dernière suivait les travaux de près 204 .

Pour sûr, le changement des règles de jeu dans un système longtemps habitué à la gestion sans le contre-pouvoir de la société n’était pas chose aisée ! C’est peut être la raison pour laquelle M. Hamrouche usa, pour faire accepter la nouvelle Constitution de 1989, d’un véritable coup de force. En effet, le texte de la nouvelle Constitution – présenté comme une révision constitutionnelle- ne fut soumis, ni au FLN, ni à l’Assemblée nationale. Il a été publié dans la presse gouvernementale par M. Hamrouche, et aussitôt soumis à un référendum populaire. La nouvelle Constitution fut adoptée le 23 février 1989 et promulguée le 28 du mois. En évoquant cet épisode, certains auteurs parlent d’un « coup de force  démocratique ».

Conformément à la nouvelle Constitution, plusieurs actions aussi importantes les unes que les autres - pour la nouvelle vie politique du pays- furent menées. Nous citerons les principales : le 3 mars, l’armée retira ses représentants du Comité Central du FLN -ils représentaient un tiers des membres. Le 8 mars  eut lieu l’installation du Conseil constitutionnel et le 4 avril, la Cour de sûreté de l’Etat fut dissoute. Preuve de détermination dans la poursuite dans la voie démocratique l’Algérie ratifia, le 6 avril, la Convention internationale contre la torture et promulgua, le 5 juillet 1989, la loi sur les partis, officiellement appelés associations politiques.

Notes
203.

Ils proposent tout de même A. Benflis, un de leurs membres au poste de ministre de la justice, ce qui fut accepté.

204.

CF, A. Dahmani, L’Algérie à l’épreuve…Op.cit.p. 119.